Le "Friend-shoring", un mouvement de fond

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10 min ⋅ 24/01/2024

BLOCS#8 Bonjour, nous sommes le mercredi 24 janvier et voici le huitième épisode de votre condensé d’actualité utile sur le commerce international. Suivez-nous également sur Twitter et LinkedIn.


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Alors que Bruxelles s’apprête à présenter un nouveau paquet législatif destiné à préserver la « sécurité économique » de l’UE, focus cette semaine sur un concept en vogue: le “friend-shoring”, qui désigne le choix de privilégier le commerce avec ses alliés politiques et économiques, aux dépens des autres. Une tendance qui s’est affirmée ces dernières années, sur fond de guerre commerciale sino-américaine, mais qui n’est pas sans rencontrer certaines limites, tenant, entre autres, à la difficulté de l’art de bien choisir ses amis.

Pose décontractée au sommet du G7 de Hiroshima (Japon), le 19 mai 2023.Pose décontractée au sommet du G7 de Hiroshima (Japon), le 19 mai 2023.

EXPRESSION EN VOGUE □ La Commission européenne publie ce mercredi un paquet législatif destiné à assurer la « sécurité économique » de l’UE. Cette nouvelle série de mesures fait suite à la récente mise en place d’un outil de lutte contre les subventions étrangères déloyales et d’un instrument anti-coercition économique. Autant de projets qui témoignent de la volonté de l’UE de mieux défendre ses intérêts, notamment face à la Chine et à la Russie, dans un contexte international toujours plus conflictuel.

En Europe comme ailleurs, cette propension nouvelle à montrer les dents face aux rivaux et aux ennemis s’accompagne logiquement d’un mouvement de rapprochement vis-à-vis des alliés, que d’aucuns nomment le “friend-shoring”. Une expression utilisée pour la première fois en avril 2022 par la Secrétaire américaine au Trésor, Janet Yellen.

Contraction de “friends” (les amis) et “offshoring” (la délocalisation), cette expression en vogue désigne une pratique commerciale de plus en plus répandue consistant à concentrer les maillons des chaînes d’approvisionnement de ses entreprises nationales dans des pays considérés comme des alliés politiques et économiques.

En d'autres termes, il s'agit de ne plus délocaliser uniquement en fonction de critères économiques tels que les coûts de production et la main-d'œuvre, mais de prendre aussi en compte d'autres éléments afin de minimiser les risques liés à d'éventuels conflits ou à des retournements de situation.

AU GRÉ DES CRISES □ Cette tendance forte du commerce international s’est affirmée au gré des récentes crises économiques et des tensions sur les chaînes d'approvisionnement mondiales, notamment provoquées par la guerre commerciale sino-américaine, la pandémie de Covid-19 et l'invasion de l'Ukraine par la Russie.

Ainsi, depuis le début du conflit en Ukraine les échanges commerciaux entre pays dits « amis » ont augmenté de 6%, au détriment des échanges avec des pays géopolitiquement éloignés, qui ont diminué de 4 à 6%, selon le dernier rapport de décembre 2023 de la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED). 

Concepteurs du “friend-shoring”, les Américains sont aussi parmi les premiers à le mettre en oeuvre, pour mieux réduire leur dépendance à la Chine. Ainsi, alors que leurs échanges avec le pays dirigé par Xi Jinping ont diminué de près de 2% entre le quatrième trimestre 2022 et le quatrième trimestre 2023, ceux avec l’UE ont augmenté de 1,3% sur la même période.

Une tendance insufflée politiquement par la stratégie dite « Chine+1 » à travers laquelle Washington encourage les entreprises nationales à trouver au moins un autre fournisseur que l’ogre asiatique sur tous les maillons de leurs chaînes d’approvisionnement.

Graphique de la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (CNUCED)Graphique de la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (CNUCED)

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Par Mathieu Solal

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