La détresse de l’industrie allemande

À la veille des élections, le secteur manufacturier en souffrance... □ Les droits de douane « réciproques » de Donald Trump □ Mario Draghi cible les barrières internes de l'UE □ L'enjeu des métaux rares ukrainiens □ Bruxelles veut suspendre le Pacte de stabilité pour encourager les dépenses militaires

BLOCS
9 min ⋅ 19/02/2025

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Super-bloc

Mis à mal par les chocs externes et l’incohérence de la politique économique mise en place depuis 2021 par la coalition menée par Olaf Scholz, le secteur industriel allemand fait pâle figure. L’élection fédérale, prévue ce dimanche, pourrait néanmoins amorcer un renouveau. Analyse de cette situation complexe, avec les éclairages de Jeanette Süss, chercheuse au Comité d'études des relations franco-allemandes (Cerfa) de l'Ifri.

L'usine Volkswagen de Wolfsburg, la plus grande usine automobile d'Europe © Wikimedia Commons

MAUVAISES NOUVELLES □ Pour la deuxième année d’affilée, l’Allemagne a connu la récession en 2024. Après avoir baissé de 0,1% en 2023, son PIB a baissé de 0,2% l’an dernier, selon les chiffres publiés par l'Office fédéral de statistiques allemand (Destatis) le 15 janvier.

Le secteur industriel, qui pèse 20% du PIB en Allemagne contre 10% en France, symbolise bien les difficultés qui s’amoncellent outre-Rhin, et constituera à n’en pas douter le dossier prioritaire sur le bureau du Chancelier qui s’imposera après l’élection fédérale prévue ce dimanche.

L’année 2024 a en effet été marquée par des annonces de plans sociaux massifs, parmi les fleurons industriels allemands. Chez Volkswagen, un accord conclu fin décembre a acté la suppression historique de 35 000 emplois d’ici à 2030. Quelques semaines auparavant, c’est le groupe Bosch, premier équipementier automobile du monde, qui annonçait la suppression de 10 000 postes sur le territoire allemand.

Des mauvaises nouvelles en partie liées à l’incohérence de la stratégie automobile européenne (BLOCS#36)

Autres annonces marquantes : 11 000 emplois doivent disparaître chez ThyssenKrupp, 5 000 chez Continental, 14 000 chez ZF, 2 900 chez Ford. De quoi laisser augurer des difficultés à venir sur le marché du travail, qui a jusqu’ici fait preuve de résilience, estime Le Monde.

LA DÉFENSE, SEULE EXCEPTION □ Le marasme du secteur industriel est aussi perceptibles en bourse, où les actions de tous les groupes automobiles allemands ont enregistré des baisses de valeur, et où les entreprises chimiques Bayer et BASF ont également laissé des plumes, en 2024.

Seuls le groupe d’armement Rheinmetall (+116%) et le fabricant de turbines d’avions MTU Aero Engines (+66%) ont connu des envolées liées à la guerre en Ukraine.

De son côté, le MDAX, l’indice des entreprises à moyenne capitalisation et le SDAX, celui des entreprises à petite capitalisation, sont tous deux nettement dans le rouge depuis 2021.

« La récession industrielle touche en premier lieu les entreprises cycliques, celles qui suivent les variations de l’économie et qui sont représentées de manière importante dans ces segments d’actions », analyse Yvan Roduit, conseiller investissement du groupe bancaire Raiffeisen Suisse.

CHOCS EXTERNES □ Les causes de ce marasme sont connues : le modèle industriel allemand, reposant sur une forte capacité d’innovation, une énergie bon marché et un excédent commercial massif, a volé en éclats.

Bousculé par la flambée des prix de l’énergie depuis l’invasion russe de l’Ukraine en 2022, l’industrie allemande subit aussi la concurrence écrasante de la Chine, et les tensions commerciales globales qui promettent d’atteindre leur apogée avec Donald Trump (BLOCS#48).

Face à ces chocs externes, l’Allemagne n’a fait que démontrer sa vulnérabilité. Crispée sur le front énergétique, au point d’irriter ses partenaires européens et peu en verve face aux États-Unis, Berlin a aussi peiné à défendre une ligne claire face à Pékin (BLOCS#20).

Incapable d’obtenir des garanties relatives à l’ouverture du marché chinois aux produits allemands, le chancelier Olaf Scholz ne s’en est pas moins opposé aux sanctions européennes contre les véhicules électriques chinois (BLOCS#34), tout en tentant de convaincre son industrie de réduire ses dépendances critiques à l’Empire du Milieu.

Sans grand succès : les géants allemands ont continué à investir lourdement dans le pays, en dépit du verrouillage toujours plus fort de son marché.

La position de Berlin pourrait toutefois changer radicalement. C’est du moins ce qu’a laissé entendre le favori à la Chancellerie, Friedrich Merz, le leader de l’alliance conservatrice CDU-CSU, créditée d’environ 30% des intentions de vote.

Qualifiant l’investissement en Chine de « décision à haut risque », M. Merz a ainsi mis en garde, fin janvier, les entreprises qui se retrouveraient en difficulté après avoir fait un tel choix. « Vous ne devez en aucun cas vous tourner vers l'Etat pour qu'il vous aide sur le plan économique dans une telle situation », a-t-il averti.

RÉTABLIR LA CONFIANCE □ Au-delà des chocs externes, les difficultés de l’industrie allemande tiennent au manque de cohérence de la politique économique menée par la coalition au pouvoir depuis 2021.

Déchiré entre ses trois composantes, sociale-démocrate, verte et libérale, le gouvernement fédéral, trop hésitant, a semé la défiance parmi les patrons du tissu industriel, comme l’explique un reportage très intéressant de Mediapart.

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Par Mathieu Solal

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