□ Cap sur Pretoria, à la veille du G20 □ Peut-on vraiment réguler Shein ? □ Les ambitions commerciales de la COP30 □ L'urgence d'un rapprochement UE-Amérique latine
BLOCS#83 □ Bonjour, nous sommes le mercredi 19 novembre et voici le quatre-vingt-troisième épisode de votre éclairage sur l’actualité du commerce international. Suivez-nous sur LinkedIn.
DÉCOMPLEXION □ Un an seulement après son élection, Donald Trump a bel et bien réussi à mettre la planète sens dessus dessous. Exit les grands principes, les alliances anciennes et les régulations solides : dans le nouveau monde que façonne le héros du clan MAGA, tous les coups sont permis. L’UE, qui s’autoproclame pourtant « pôle de stabilité », est bien loin d’échapper à cette nouvelle règle du jeu mondial, comme elle l’a encore démontré la semaine dernière
C’est ce que nous vous racontons dans la dernière édition de BLOCS PRO, où il est question du vote main dans la main de la droite et de l’extrême-droite pour torpiller les directives sur le devoir de vigilance et le reporting non-financier des entreprises, du sommet UE-CELAC, des petits colis ou encore des conséquences du report du plan de décarbonation du transport maritime. Pour découvrir cette édition et nous recevoir tous les vendredis, une seule solution :
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Affaiblie par les attaques rageuses de Donald Trump, qui lui inflige depuis août des droits de douane punitifs de 30%, l’Afrique du Sud réagit en essayant de protéger ses exportateurs et d’attirer les investissements internationaux. La Chine et l’Union européenne tentent, chacune à sa manière, de combler le vide laissé par l’Oncle Sam. Analyse, à quelques encablures du sommet du G20 qui doit se tenir à Pretoria.
Le président sud-africain, Cyril Ramaphosa. © Gouvernement sud-africain, FlickR
TENSIONS □ Le sommet du G20 qui doit se tenir ce week-end à Pretoria (Afrique du Sud) s’annonce sous de tumultueux auspices.
En cause : le boycott total des États-Unis, confirmé le 7 novembre par Donald Trump sur son réseau Truth Social. Le président américain explique cette décision par les « assassinats » et « massacres » dont serait victime la minorité afrikaner, issue des premiers colons européens. Selon lui, « ces abus disqualifient » la nation arc-en-ciel, qui ne devrait plus faire partie du G20.
Cette décision radicale du président américain, qui accuse depuis plusieurs mois le gouvernement de Cyril Ramaphosa de maltraiter la minorité afrikaner et de procéder à des confiscations de terres dans le cadre de la réforme agraire, n’est que le dernier épisode en date dans le feuilleton des tensions entre Washington et Pretoria.
Obsédé par la politique intérieure du gouvernement sud-africain - ravivant au passage les divisions politiques et identitaires sur place - M. Trump a notamment expulsé l’ambassadeur d’Afrique du Sud à Washington, humilié le président Ramaphosa dans le Bureau ovale, puis annoncé que l’asile serait donné en priorité aux Afrikaners, dans un contexte de réduction générale de l’accueil des réfugiés aux États-Unis.
DROITS DE DOUANE PUNITIFS □ Ces affronts diplomatiques s’accompagnent de lourdes sanctions économiques.
Depuis août, Washington impose ainsi des droits de douane de 30% sur les marchandises sud-africaines. Un coup très dur à encaisser, alors même que les États-Unis constituaient jusque-là le troisième partenaire commercial de l’Afrique du Sud, captant 8% de ses exportations, et que le pays se trouvait déjà dans une situation économique délicate marquée par une croissance atone et un taux de chômage de 33%.
Les droits de douane punitifs américains, qui pourraient coûter 100 000 emplois au pays selon les estimations de sa banque centrale, touchent particulièrement le secteur agricole - qui ne pèse certes que 2,5 % du PIB, mais encore 19 % de l'emploi local.
L’important secteur automobile sud-africain (environ 5 % du PIB et 18 % des exportations), déjà frappé depuis le printemps par des droits de douane de 25 %, accuse le coup, lui aussi. Les ventes de véhicules vers le marché américain ont ainsi déjà chuté de 73% au premier semestre 2025, d’après l’Association nationale des constructeurs automobiles (Naamsa).
ÉMISSAIRES SANS SUCCÈS □ Pretoria a certes tenté de répondre en mobilisant des aides aux exportateurs, en lançant un programme de soutien à la production locale et en dépêchant des émissaires aux États-Unis pour tenter d’obtenir un allègement de ces mesures - sans succès pour le moment.
« À moyen et long terme, les mesures américaines pourraient entraîner une augmentation des exportations vers d'autres marchés, notamment la Chine (par exemple pour les produits agricoles), qui a annoncé une suppression des droits de douane à l’importation pour 53 pays africains (BLOCS#66), dont l'Afrique du Sud », analyse Coface, acteur de référence de la gestion du risque de crédit commercial et partenaire de BLOCS PRO.
Pékin fait en outre les yeux doux à Pretoria, avec, au mois de septembre, des annonces d’investissements importants dans des secteurs tels que les mines, l'énergie et les infrastructures, et des encouragements à investir sur place en direction des constructeurs automobiles chinois.
BRUXELLES À LA MANŒUVRE □ L’UE n’est pas en reste. Le mois dernier, la Commission européenne a ainsi annoncé un total de 12 milliards d’euros d’investissements dans des projets pharmaceutiques, liés à l’énergie propre, et dans les infrastructures.
Un chiffre impressionnant qui inclut des investissements en provenance du budget européen, mais aussi de l’Afrique du Sud, des États membres et des acteurs privés.
Sur le plan purement commercial, l’UE est lié à l’Afrique du Sud et à cinq autres pays de sa région par un accord de partenariat économique en vigueur depuis 2016.
Aucun approfondissement de cet accord n’est pour l’heure à l’ordre du jour, l’UE préférant s’engager avec Pretoria dans des partenariats plus rapides à négocier, à l’image de l’accord sur le commerce et les investissements durables, non contraignant sur le plan juridique, actuellement dans les tuyaux (BLOCSPRO#4).
Les présidents du Conseil européen et de la Commission européenne, Ursula von der Leyen et Antonio Costa, et le président sud-africain Cyril Ramaphosa, doivent se retrouver ce jeudi à Pretoria pour une réunion au sommet en amont du G20, qui devrait leur donner l’occasion de réaffirmer l’importance de la relation bilatérale.
Pretoria mise en outre sur l’approfondissement de ses liens avec la Zone de libre-échange continentale africaine (Zlecaf), le Japon, le Canada ou encore la Thaïlande.
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□ « Peut-on vraiment réguler Shein ? » : c’est la question posée par le Club des juristes à Juliette Sénéchal, professeure de droit privé à l’université de Lille, dans l’émission Quid juris ? diffusée sur le site du groupe de réflexion le 14 novembre. Selon la chercheuse, il revient à l’UE en priorité d’agir pour mettre fin aux dérives de la plateforme chinoise (BLOCSPRO#4) par l’intermédiaire du règlement sur les services numériques (DSA) et du règlement relatif à la sécurité générale des produits. Elle considère par ailleurs que l’affaire des poupées sexuelles a peut-être enfin sorti les autorités de surveillance françaises et européennes de leur apathie (BLOCS#81).
□ Dans son billet « Rewiring trade for a warming world: How COP30 can turn climate goals into trade rules », publié le 14 novembre pour le Centre for Economic Policy Research (CEPR), l’économiste Dennis Snower, soutient que la COP30 à Belém doit permettre de fournir un cadre commercial global de lutte contre le réchauffement climatique, plutôt que de se cantonner à la seule question des émissions de gaz à effet de serre. Il propose ainsi de travailler autour de « coalitions des volontaires », incluant institutions internationales, États membres, entreprises, assureurs et financiers, qui s’accorderaient sur des préférences tarifaires, partageraient leurs technologies, ou définiraient des schémas de redistributions vers les partenaires plus modestes, afin de dépasser les blocages.
□ Dans son billet de blog « Europe-Amérique du Sud : une occasion manquée à rattraper d’urgence », publié le 13 novembre par l’Institut Jacques Delors, Guillaume Duval, spécialiste des enjeux relatifs à l’avenir de l’intégration européenne, regrette l’absence de nombreux chefs d’État et de gouvernement au sommet UE-CELAC (BLOCSPRO#5). Le conseiller spécial du think tank appelle l'UE à se rapprocher sans tarder de l’Amérique latine et à ratifier l’accord UE-Mercosur, dans une démarche plus large d’ouverture au Sud global, seule solution selon lui pour ne pas être « écrasée par l’étau » sino-américain.
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Cette édition a été préparée par Mathieu Solal, Alexandre Gilles-Chomel et Sophie Hus-Solal.
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