UE-Royaume-Uni : le retour des tensions

□ Le "reset" remis en question, après l'échec des pourparlers sur SAFE □ Les effets pervers des accords de libre-échange : l'exemple marocain □ Les pressions sur l'ETS2 □ Comment lever les barrières aux échanges de services dans l'UE

BLOCS
5 min ⋅ 03/12/2025

BLOCS#85 Bonjour, nous sommes le mercredi 3 décembre et voici le quatre-vingt-cinquième épisode de votre éclairage sur l’actualité du commerce international. Suivez-nous sur LinkedIn.

TENDANCES DE FOND □ Il n’est pas encore l’heure de faire le bilan de 2025 qui réserve encore, plus que probablement, un beau lot d’initiatives et de rebondissements. Derrière cette ébullition apparente, bien partie pour durer jusqu’à la fin du mois de décembre, il est toutefois déjà possible de discerner quelques uns des marqueurs de cette année pas comme les autres.

C’est ce que nous vous racontons dans la dernière édition de BLOCS PRO, où il est question les difficultés de la machine européenne à prendre de la hauteur pour faire plus que de la gestion de crise, avec long format sur la doctrine de sécurité économiques européenne ; de la capacité de nuisance environnementale de l’alliance entre la droite et l’extrême-droite au Parlement, avec un article sur le règlement anti-déforestation ; et enfin de l’instabilité inhérente à l’administration Trump, illustrée par le retour des tensions transatlantiques.

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Alors que le sommet du mois de mai avait laissé planer la possibilité d’un renouvellement de la relation entre l’UE et le Royaume-Uni, les tensions bilatérales sont de retour, comme l’a illustré la rupture des négociations autour de l’instrument SAFE, en fin de semaine dernière. Analyse.

Dessin de Philippe Vilandrau pour BLOCS - 👉 Instagram ; Blog

RUPTURE □ Vendredi, l'UE et le Royaume-Uni ont rompu les négociations relatives à la participation des Britanniques au programme SAFE (Security Action for Europe).

Ce dispositif de financement, doté de 150 milliards d’euros de prêts à taux réduit, est destiné à soutenir la production de défense européenne.

En mai, Londres et Bruxelles avaient conclu un Pacte de sécurité et de défense ouvrant la voie à une éligibilité des entreprises britanniques sur 50 % des dépenses des États européens dans le cadre des facilités de financement SAFE (BLOCS#60).

Les négociations en ce sens ont toutefois échoué, sur fond de désaccord financier.

Pour accorder ces conditions à l’industrie de défense britannique, la Commission européenne, poussée, notamment, par la France, demandait en effet, en contrepartie, une participation de Londres au programme de prêts à hauteur de 6,1 milliards d’euros. De son côté, le gouvernement de Keir Starmer envisageait initialement d’offrir 75 millions d’euros.

COUP D’ARRÊT □ En l’absence d’accord, l’industrie de défense britannique devra se contenter d’une éligibilité sur des biens composés au maximum de 35% de pièces britanniques en valeur, afin de respecter la règle de préférence européenne de 65% introduite dans le règlement SAFE.

La séquence marque un coup d’arrêt pour le processus de « reset » (réinitialisation) des relations UE-Royaume-Uni engagé lors du sommet du mois de mai.

De quoi semer le doute, notamment, sur la concrétisation de l'accord sanitaire et phytosanitaire (SPS), pour lequel le Conseil a autorisé l'ouverture des négociations le 13 novembre. 

Celui-ci vise à réduire la charge liée aux échanges de produits agricoles entre l'UE et le Royaume-Uni. À terme, la majorité des certificats et contrôles requis pour les animaux, les végétaux et leurs produits dérivés circulant entre les deux zones seraient éliminés.

CHIFFON ROUGE □ Mais avant d’en arriver là, Bruxelles et Londres doivent trouver un accord financier qui pourrait inclure une participation britannique au budget de la politique de cohésion. Une nécessité pour plusieurs États membres de l’UE, dont la France, mais un chiffon rouge pour les partisans du Brexit, outre-Manche.

Pour l’heure, la déclaration commune du Conseil et de la Commission précise seulement que les deux institutions examineront le niveau adéquat d'une éventuelle contribution britannique, si l'accord conclu prévoit la participation du Royaume-Uni à une partie du marché intérieur de l'UE.

Si l'Union maintient pour l’heure - et comme depuis le début des négociations du Brexit - une position ferme à l’égard de Londres, plusieurs États membres (notamment l'Allemagne, l'Irlande, la Belgique et les Pays-Bas) jugent préférable d'atténuer ces exigences pour ne pas fragiliser davantage Keir Starmer, déjà sous pression sur la scène intérieure.

D'autant que Bruxelles ne ménage pas non plus le gouvernement britannique sur d'autres dossiers sensibles, comme celui de l'acier.

INFLEXION EN VUE ? □ Le 7 octobre, la Commission a proposé d’en plafonner les importations sans droits de douane à 18,3 millions de tonnes par an (BLOCS#77). Et d'imposer des taxes de 50 % au-delà de ce quota fortement réduit.

L'objectif : contrer la surcapacité mondiale et la pression accrue de l'acier asiatique. Ces mesures, qui doivent entrer en vigueur en juillet 2026, risquent de frapper de plein fouet l'industrie britannique, qui ne bénéficierait d’aucune espèce d’exemption, aux termes de la proposition de l’exécutif européen.

Ce, alors que la sidérurgie britannique est déjà dans un état de fragilité extrême, et que 80 % de ses exportations sont destinées au marché européen. 

Dans ce contexte, les Européens pourraient infléchir leur position, alors que le gouvernement britannique est dans une démarche constructive vis-à-vis de l'Union pour la première fois depuis cinq ans. Car malgré la rupture sur le dossier SAFE, Keir Starmer affiche toujours sa volonté de rapprochement avec l'UE.

Lors d'une conférence de presse sur le nouveau budget de son gouvernement, lundi, le Premier ministre britannique a reconnu que le Brexit avait « considérablement nui » à l'économie de son pays, et appelé à « maintenir des relations étroites avec l'UE ». 

Un processus qui « nécessitera des compromis », a-t-il rappelé. Tant du côté de Londres que de Bruxelles.


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Dans leur article du 21 novembre pour le think tank américain Brookings, les économistes Zuzana Brixiova Schwidrowski et Etayibtalnam Koudjomb, tirent les leçons de près de vingt ans d’accords de libre-échange (ALE) entre les États-Unis et le Maroc. Constat principal des auteurs : entre deux économies asymétriques, un ALE peut avoir des effets pervers. Dans le détail, les chercheurs montrent que les importations américaines ont augmenté plus vite que les exportations marocaines, et que la structure des exportations du royaume a basculé d’une industrie « légère », intensive en main-d’œuvre (textile), vers des secteurs plus capitalistiques (notamment engrais et chimie), avec un coût social marqué, en particulier pour l’emploi des femmes qui a régressé sur cette période. L’accord aurait ainsi eu un effet négatif sur les exportations marocaines, y compris dans des secteurs jugés stratégiques comme l’agroalimentaire et l’automobile. Alors que l’AGOA a expiré fin septembre 2025, leur message est clair : l’accès préférentiel a un marché ne remplace pas la compétitivité, et l’Afrique a tout intérêt à privilégier l’intégration régionale et le renforcement des échanges intra-africains via la ZLECAf, plutôt que de multiplier des accords bilatéraux (BLOCS#84).

Dans le contexte du récent report de l’ETS2, le nouveau marché carbone pour les secteurs des transports, du bâtiment ou de la petite industrie, Phuc-Vinh Nguyen, chef du Centre énergie de l’Institut Jacques Delors, propose un modèle inspiré de l’exemple japonais dans son policy paper publié vendredi dernier. Il promeut la mise en place, via la Banque européenne d’investissement, d’un mécanisme de « frontloading » (préfinancement) des revenus futurs issus de l’ETS1 et de l’ETS2, permettant de mobiliser au moins 200 milliards d’euros entre 2028 et 2034. L’ETS2 a fait l’objet d’une « séquence transactionnelle, celle relative à la détermination des cibles climatiques pour 2035 et 2040. Dans ce cadre, plusieurs États ont fait du report de l’entrée en vigueur du nouveau marché carbone d’un an une condition sine qua non au soutien desdites cibles, reléguant l’ETS2 au rôle de simple variable de négociation là où elle était auparavant une pierre angulaire des négociations », estime le chercheur .

« Il faut agir maintenant, l’Europe ne peut plus attendre » concluent Andrea Dugo, Fredrik Erixon, Oscar Guinea, Philipp Lamprecht et Erik van der Marel, économistes à l’ECIPE, dans leur étude parue mercredi dernier, en collaboration avec Almega, le principal syndicat patronal suédois. Les chercheurs prennent le contre-pied du réflexe «  réindustrialisation » en défendant une idée simple : l’avenir de la compétitivité européenne se joue d’abord dans les services. Lever les obstacles et faciliter la prestation de services au sein du marché unique pourrait ajouter environ 280 milliards d’euros au PIB européen sur cinq ans, soit +1,6% de croissance. Ils plaident aussi pour un vrai basculement de l’effort d’innovation vers les services, en particulier le logiciel, la programmation et la recherche, avec des incitations fortes à la R&D et un cadre plus ouvert, pro-concurrence et pro-croissance.


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Cette édition a été préparée par Juliette Verdes, Alexandre Gilles-Chomel, Mathieu Solal et Sophie Hus-Solal.

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Par Mathieu Solal

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