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BLOCS#6 □ Bonjour, nous sommes le mercredi 10 janvier et voici le sixième épisode de votre condensé d’actualité utile sur le commerce international. Suivez-nous également sur Twitter et LinkedIn.
Nouvel échec des négociations UE-Mercosur, polémiques autour de l’impact environnemental du traité récemment ratifié avec la Nouvelle-Zélande, difficultés commerciales post-Brexit… Les accords de libre-échange de l’UE ne cessent de créer la controverse. Dans un monde de plus en plus protectionniste et conflictuel, focus sur l’évolution du rôle de ces instruments bilatéraux en compagnie d’Alan Hervé, directeur du master Europe et Affaires mondiales à Sciences Po Rennes. Il est l’auteur de l’ouvrage Les accords de libre-échange de l'Union européenne, publié en décembre aux éditions Larcier-Intersentia.
Réunion tendue entre Luiz Inácio Lula da Silva et Emmanuel Macron, à la COP 28 de Dubaï, le 1er décembre 2023. © Palàcio do Planalto
BLOCS: Les négociations autour d’un accord de libre-échange (ALE) UE-Mercosur ont une nouvelle fois échoué début décembre, sous l’impulsion notable de la France. Faut-il définitivement faire une croix sur ce traité ?
ALAN HERVÉ: Difficile à dire, mais il est certain que le problème est profond. L’opposition de la France est très ancienne, sur fond de risque de mise en cause de notre compétitivité en matière agricole et d’activisme d’un lobby agricole très puissant. Il faut se souvenir que l’accord des États membres concernant le lancement des négociations a été donné à la Commission au début des années 2000, dans un contexte commercial et économique très différent.
Depuis, la Commission a négocié seule cet accord, sans demander un renouvellement de son mandat initial. L’impasse actuelle illustre ainsi une des difficultés profondes du système européen de négociation. Il faudrait sans doute plutôt opter pour des mandats renouvelables par accord des États membres tous les cinq ans et renforcer l’implication du Parlement européen dans ce processus.
Plus généralement, le climat politique et social actuel dans l’UE empêche-t-il d’envisager la conclusion de nouveaux ALE ambitieux ?
Je ne suis pas sûr que ce climat soit le problème principal, car les oppositions ne sont pas nouvelles. On les avait par exemple déjà observées fin 2016 en Belgique, en Grèce ou encore en Allemagne et en France, pendant les discussions autour de la signature de l’ALE avec le Canada (CETA). Elles rendent forcément difficile le processus de négociation et les procédures de ratification. Pour autant, il est sain qu’elles existent, dans la mesure où les ALE posent un enjeu démocratique.
On libéralise, on supprime les droits de douane, on met à nu les systèmes règlementaires, avec le risque d’un nivellement par le bas en matière environnementale, sociale ou sanitaire. Il est donc logique que les citoyens puissent s’exprimer et, le cas échéant, s’y opposer.
Un des problèmes principaux, c’est toutefois que le positionnement à l’égard des ALE ne peut être que binaire: la Commission négocie et ensuite, le Conseil, le Parlement européen, puis éventuellement les parlements nationaux ne peuvent qu’approuver ou rejeter l’accord qu’elle a trouvé.
Contrairement à une législation, une fois négocié avec un pays tiers, un traité de libre-échange ne peut être amendé. C’est ce côté ‘tout ou rien’ qui, à mon sens, crée une bonne partie de la tension qui règne autour des ALE. D’où l’importance, on y revient, de bien associer et prendre en compte les intérêts de l’ensemble des acteurs concernés dès l’ouverture des négociations.
« Pour l’UE, ces accords apparaissent comme des instruments de sécurité et de prévisibilité des échanges, dans un environnement de plus en plus hostile »
Pourquoi avoir choisi de consacrer votre livre aux ALE de l’UE, alors même que ceux-ci semblent en perte de vitesse dans un monde de plus en plus protectionniste et conflictuel ?
Du point de vue européen, ces accords sont justement un instrument de sécurité et de prévisibilité des échanges, dans un environnement de plus en plus hostile.
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