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Chaque semaine, votre condensé d’actualité utile sur le commerce international.

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Par Mathieu Solal, Antonia Przybyslawski et Clément Solal
11 avr. · 6 mn à lire
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Minéraux critiques : une nouvelle alliance pour contrer la Chine

Focus sur ces composants essentiels à la transition verte, mais aussi sur les relations entre la France et le Maroc, les nouvelles enquêtes anti-subventions européennes, et le nouveau score environnemental pour les vêtements.

BLOCS#19 Bonjour, nous sommes le mercredi 10 avril et voici le dix-neuvième épisode de votre condensé d’actualité utile sur le commerce international. Suivez-nous également sur LinkedIn.

LE VENT DE LA CAMPAGNE BLOCS s’associe à 100% Europe, une émission politique interactive conçue par Canalchat Grandialogue et animée par notre cofondateur Mathieu Solal, avec l’objectif de remettre l’UE au coeur des élections européennes de juin prochain.

Revivez en intégralité les trois premiers numéros avec Marie-Pierre Vedrenne (MoDem), Aurore Lalucq (Place Publique) et Abdoulaye Diarra (Les Écologistes) et suivez l’actualité de l’émission sur LinkedIn et Twitter.


Super-bloc

L’UE et les États-unis ont lancé en fin de semaine dernière un « Forum pour le partenariat sur la sécurité d'approvisionnement des minéraux » composé d’une quinzaine de membres dont l’Australie, l’Ouzbékistan et la Namibie. Sans la nommer, l’initiative vise la Chine et sa mainmise alarmante et persistante sur la quasi-totalité des chaînes de valeur de ces composants à la croissance exponentielle car nécessaires à la transition verte.

La mine de Salinas Grandes, l'une des plus grandes mines de lithium de l'Argentine. ©iStockLa mine de Salinas Grandes, l'une des plus grandes mines de lithium de l'Argentine. ©iStock

FORUM STRATÉGIQUE □ Réunir pays riches en matières premières critiques et pays importateurs, autour de collaborations « gagnant-gagnant ».

Telle est l’ambition du nouveau « Forum pour le partenariat sur la sécurité d'approvisionnement des minéraux » ('MSP Forum') lancé vendredi 5 avril par les États-Unis et l’Union européenne (UE). Composé d'une quinzaine de membres à ce stade, dont l'Australie, le Canada, l'Inde, le Royaume-Uni, l’Ukraine, la Corée du Sud, la Namibie et l'Ouzbékistan, le MSP Forum cherchera à s’élargir.

Ce forum se concentrera ainsi sur ces matériaux essentiels pour la transition verte que sont les métaux comme le cobalt, le lithium ou le nickel. Ces derniers jouent en effet un rôle crucial dans les changements de modes de production, de stockage et d’utilisation de l’énergie.

Concrètement, les travaux du forum MSP s'articuleront autour de deux axes. D’un côté, le volet « projets », qui aura pour principale mission de « soutenir et accélérer la mise en œuvre de projets durables concernant les minéraux critiques », explique la Commission européenne dans un communiqué de presse.

De l’autre, la mise en place d’un dialogue stratégique, pour identifier les politiques propres à stimuler la production durable et les capacités locales, pour faciliter la coopération réglementaire, et pour promouvoir des normes environnementales, sociales et de gouvernance élevées (ESG) dans les chaînes d'approvisionnement en matières premières critiques.

QUASI-MONOPOLE □ L’initiative lancée par Washington et Bruxelles vise évidemment à contrer la domination de la Chine sur l’ensemble de la chaîne d'approvisionnement.

Car la mainmise de l’ogre chinois, patiemment développée lors des trois dernières décennies à coups de subventions massives et sans s'embarrasser de hautes normes sociales ou environnementales, constitue bien plus qu’une simple vulnérabilité stratégique pour l’Occident.

Ce « quasi-monopole », portant sur l’ensemble de la chaîne de valeur (extraction, traitement ..) « crée des risques extraordinaires » pour l'économie mondiale, alertent même les deux universitaires Joris Teer et Chris Mille dans une tribune publiée par Politico en septembre dernier. À titre d’exemple, la Chine raffine 97 % des terres rares dans le monde, et produit 97 % du gallium et 68 % du germanium mondiaux.

 Même lorsque les ressources ne se situent pas en Chine, mais aux deux tiers en République démocratique du Congo (RDC) comme pour le cobalt, Pékin est parvenue à se rendre indispensable.

« Les minéraux ne sont pas juste fondamentaux dans la transition verte ou la numérisation, ils sont au centre d’innombrables secteurs vitaux. Les terres rares, par exemple, sont utilisées pour produire des pacemakers, des machines IRM, des drones, des avions de chasse, des disques durs », rappelent ces deux universitaires.

Dans un contexte de fortes tensions commerciales, « Pékin a une puissante carte à jouer (…) : utiliser le commerce des ces matériaux comme une arme (…) aurait des conséquences économiques immenses », soulignent-ils encore. 

La Chine en fait régulièrement la menace, et est même déjà passé à l’acte : en août dernier, elle a annoncé restreindre l’exportation de deux métaux stratégiques, le germanium et le gallium. Puis en décembre dernier, Pékin a annoncé l’arrêt de la mise en vente d'une série de technologies liées à l'extraction des terres rares.

RÉVEIL TARDIF □ Dépendante à 96% des importations en provenance de l’Empire du Milieu, l’Europe semble de surcroît s'être réveillée tard. « Le continent est fortement exposé à un risque croissant de rupture des chaînes d’approvisionnement », estime Aylin Somersan Coqui, PDG d’Allianz Trade, dans l’Express.

Consciente de cette dépendance, l’UE a conclu, au cours des trois dernières années, pas moins de 11 partenariats, plus ou moins concrets, dans l’espoir de sécuriser les chaînes de valeur de son industrie, avec des pays tels que la RDC, le Rwanda, le Canada, le Chili ou l'Ukraine. 

Parallèlement, le bloc européen a adopté en décembre 2023 une loi sur ces matières premières (le Critical Raw Materials Act) censée conduire à la mise en place de chaînes de valeur européennes.

Mais cette ambition se heurte à de multiples obstacles, dont une profonde méfiance publique en Europe à l’égard des activités minières. L’idée de développer des filières dans le domaine non moins crucial du recyclage paraît autrement plus réaliste, mais nécessiterait davantage de moyens.

De sorte qu’à ce stade, l’option d’une diversification des approvisionnements via des investissements à l’étranger est de loin la plus prometteuse. 

Les États-Unis, pour leur part, ont doucement commencé à gommer leur dépendances en rouvrant par exemple en 2017 la mine de terres rares Mountain Pass, en Californie, et à revoir leur chaîne d’approvisionnement.

En septembre dernier, Joe Biden signait ainsi à Hanoï un accord visant à favoriser les investissements américains dans l’industrie émergente des terres rares au Vietnam. Un pays où se trouverait la deuxième réserve mondiale - derrière celle de la Chine - de ces métaux indispensables pour la production des « aimants permanents », des composants devenus omniprésents dans les turbines éoliennes, les batteries des véhicules électriques ou encore dans les smartphones.

L’Oncle Sam mise donc aussi sur la coopération internationale, avec ce nouveau forum dont la capacité à accoucher de projets concrets reste néanmoins à prouver.


Partenariat commercial avec Peugeot.

Le nouveau E-3008 : l’incarnation de l’ambition de Peugeot dans l’électrique.

Peugeot vous présente le nouveau E-3008, la nouvelle génération de SUV électrique français. Le lancement du E-3008 scelle une étape majeure dans la transformation de Peugeot en marque 100% électrique. Le moteur électrique est fabriqué et produit par la joint-venture Stellantis-Nidec à Trémery en France.

Avec ce nouveau SUV fastback électrique disposant d’une autonomie de 527 à 680 km, Peugeot affiche ses ambitions dans l’électrique :
● Offrir la gamme électrique la plus large parmi les marques généralistes en Europe d'ici 2025.
● Réaliser 100% de ses ventes européennes en électriques d'ici 2030.


Blocs-notes

PARIS-RABAT □ Après le chef de la diplomatie française, Stéphane Séjourné, c'était au tour du ministre délégué au commerce extérieur et à l'attractivité, Franck Riester, de se rendre au Maroc, jeudi et vendredi.

Placée sous le signe de la relance de la relation avec Rabat après une année 2023 marquée par une crise diplomatique d'une rare ampleur, cette visite a donné lieu à une annonce de taille.

M. Riester a ainsi affirmé que l’Agence française de développement (AFD), via sa filiale dédiée au secteur privé Proparco, « pourrait être amenée » à financer un projet de ligne à haute tension entre Dakhla, capitale du Sahara occidental et Casablanca.

Un geste inédit de la part de la France, qui avait jusque-là adopté une attitude équilibrée concernant ce territoire contesté qui oppose, depuis près de cinquante ans, le royaume marocain aux indépendantistes du Front Polisario soutenus par l'Algérie.

Si la position française sur le sujet n’a pas officiellement changé, le geste n’en a pas moins ravi la presse locale, mais aussi les milieux d’affaires. « Nous, dirigeants, sommes très satisfaits de cette annonce », a déclaré à l’hebdomadaire marocain Telquel le directeur général d’Engie pour le royaume chérifien, Loïc Jaegert-Huber.

Les investissements et les relations commerciales commerciales entre les deux pays devraient ainsi continuer de s’épanouir.

En 2023, les échanges bilatéraux avaient déjà atteint un record historique à 14,1 milliards d’euros. Le Maroc est par ailleurs le premier partenaire commercial de la France en Afrique et la France le deuxième partenaire commercial du Maroc.

Plus de 1 000 filiales françaises opèrent en outre dans le pays, et la France reste particulièrement attractive pour les investissements marocains à l’étranger, qui sont passés de 372 millions à 1,8 milliards d’euros entre 2015 et 2022. Le Maroc est ainsi le premier investisseur africain en France.


AVANTAGE DÉLOYAL □ L'Union européenne intensifie son bras de fer avec la Chine sur le front des aides d'État. La Commission européenne a ouvert ce mardi une enquête sur les subventions accordées par Pékin à ses entreprises de turbines éoliennes, intensifiant ainsi ses efforts pour protéger l'industrie européenne d'un flot d'importations chinoises à bas prix (BLOCS#18).

Alors que l'Europe était le premier producteur mondial d'énergie éolienne jusqu'en 2020, la Chine a fortement accéléré son déploiement ces dernières années. Elle comptait, fin 2023, pour près de la moitié de la capacité installée dans le monde.

« Nous étudions les conditions de développement de parcs éoliens en Espagne, en Grèce, en France, en Roumanie et en Bulgarie », a expliqué mardi la commissaire européenne à la Concurrence, Margrethe Vestager. Les entreprises, ainsi que les procédures concernées, n'ont pas été citées.

Une annonce qui intervient quelques jours après l'ouverture par l'exécutif européen de deux enquêtes anti-subventions contre des consortiums de fabricants de panneaux solaires, impliquant des filiales de groupes chinois.

Ces consortiums ont participé à un appel d'offres pour la conception, la construction et la mise en service d'un parc photovoltaïque en Roumanie, partiellement financé par des fonds de l'UE.

Affirmant disposer de « suffisamment d’éléments indiquant que les deux consortiums ont bénéficié de subventions étrangères », l’enquête devra permettre à la Commission de « déterminer si les subventions reçues par ces entreprises faussent la concurrence au sein de cette passation de marché public», explique What’s up EU dans son dernier numéro.

Les enquêtes s'inscrivent dans le cadre de nouvelles règles européennes de 2023 pour empêcher les subventions de pays tiers soupçonnées de créer une concurrence déloyale dans le cadre d'appels d'offres.


Mini-blocs

Le ministère français de la Transition écologique a dévoilé le 3 avril, les grandes lignes d’un décret qui précisera le mode de calcul de l’empreinte carbone d’un vêtement, dans le cadre de la proposition de loi pour lutter contre la “fast fashion” (BLOCS#15). Si le score environnemental d’un article, de sa fabrication jusqu’à son recyclage, devrait s’appuyer sur la méthode adoptée par la Commission européenne -dite « Product Environmental Footprint » (PEF), mais la France ajouterait trois critères supplémentaires, à savoir : l’utilisation de produits chimiques, la libération de microfibres et l’export des vêtements à l’étranger après utilisation. En outre, un « coefficient de durabilité » sera également introduit. Une concertation se tiendra avec 50 acteurs du textile et de l’habillement mais les industriels pointent déjà l’incohérence des critères choisis.

L'Indonésie consolide sa relation avec l’industrie militaire française. Après avoir commandé 42 avions de combat Rafale en février 2022, deux avions de transport Airbus A400M, et 13 radars de pointe de surveillance aérienne produits par Thalès en 2023, Jakarta a annoncé, mardi 2 avril, l'achat de deux sous-marins Scorpène au français Naval Group, d’une valeur estimée à deux milliards d’euros, selon les calculs du journal Les Échos. Après la rupture du « contrat du siècle » avec l’Australie en 2021, la France affirme ainsi sa présence dans l’Indo-Pacifique. Le « transfert de savoir-faire et de technologie » et une fabrication locale, qui sont devenus la règle, sont un paradoxe pour une industrie associée à la souveraineté, comme le souligne Jean-Michel Bezat, journaliste économique au journal Le Monde.

La secrétaire au Trésor américaine Janet Yellen a conclu lundi un voyage de quatre jours en Chine. Au cours de cette deuxième visite en moins d’un an dans l’Empire du Milieu, elle a exprimé les inquiétudes américaines relatives aux surcapacités chinoises, principalement dans les secteurs des voitures électriques et de la production d’énergie renouvelable. Des préoccupations « sans fondement », a encore une fois répondu officiellement Pékin, tout en ouvrant de fait la porte à des discussions. Autre sujet de discorde: le soutien de Pékin à Moscou. À ce sujet, Mme Yellen a affirmé que les entreprises chinoises qui offriraient un soutien matériel à l’invasion de l’Ukraine subiraient « des conséquences significatives ».

 David Henig, directeur pour le Royaume-Uni du groupe de réflexion ECIPE, analyse dans une tribune publiée par Borderlex les implications d’un possible deuxième mandat de Donald Trump sur la politique commerciale européenne.

Les ports américains et européens ont enregistré un franc recul de l’activité conteneurs en 2023, selon le classement des principaux ports mondiaux de 2023, réalisé par Upply, une start-up dédiée au transport de fret. Cette tendance contraste nettement avec la forte croissance observée en Asie, où 15 ports figurent parmi les 20 premiers du classement.


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Cette édition a été préparée par Antonia Przybyslawski, Clément Solal, Mathieu Solal et Sophie Hus.

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