Déforestation importée : Bruxelles fait un pas de côté

Focus sur un texte emblématique du Pacte vert mais aussi sur le bras de fer commercial UE-Chine, le rapprochement Australie-ASEAN et la « fast-fashion »

BLOCS
6 min ⋅ 13/03/2024

BLOCS#15 Bonjour, nous sommes le mercredi 13 mars et voici le quinzième épisode de votre condensé d’actualité utile sur le commerce international. Suivez-nous également sur LinkedIn.


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Face aux pressions internationales, la Commission européenne a consenti la semaine dernière à retarder la pleine mise en oeuvre du nouvel outil anti-déforestation importée de l’UE. Un pas de côté qui démontre la difficulté du bloc européen à diffuser son ambition verte au reste du monde, et notamment aux pays les moins développés.

Zone déboisée pour la plantation de palmiers à huile à Gunung Lumut, en Indonesie. ©Moses Ceaser/CIFORZone déboisée pour la plantation de palmiers à huile à Gunung Lumut, en Indonesie. ©Moses Ceaser/CIFOR

DÉFAUT-RESTATION □ Dans la série noire du Pacte vert, voilà qui ressemble fort à un nouvel épisode. Après l’assouplissement des obligations de mise en jachère accordée aux agriculteurs, puis le retrait d’un texte visant à limiter l’usage des pesticides, la Commission européenne a confirmé vendredi le report sine die de la publication de la classification des partenaires commerciaux de l’UE en fonction de leur vulnérabilité à la déforestation.

Cette classification, qui devait initialement entrer en vigueur en décembre de cette année, devait permettre de préciser les modalités du règlement sur la déforestation importée adopté l’année dernière. 

Ce règlement, dont la mise en oeuvre est prévue pour 2025, impose aux entreprises de démontrer, outils de traçabilité et de géolocalisation des parcelles à l’appui, que le soja, le café, le cacao, l’huile de palme, le caoutchouc, le bœuf ou encore le bois qu’elles veulent vendre dans l’UE ne sont pas issus de cette pratique désastreuse pour le climat. La déforestation est responsable de 11 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre, selon le Giec.

Concrètement, la classification de la Commission devait déterminer l’étendue des obligations incombant aux entreprises ainsi que la fréquence des contrôles effectués par les autorités douanières européennes.

Il était notamment prévu que les États membres contrôlent 9 % des opérateurs de produits issus de pays à risque élevé, 3 % de ceux issus de pays à risque standard et 1 % de ceux à risque faible. Avec, en cas de non-conformité, une amende d’au moins 4% du chiffre d’affaires réalisé par l’entreprise visée dans l’UE.

Avec le report de la classification, tous les partenaires commerciaux de l’UE seront considérés, par défaut, comme à risque standard.

La Commission justifie cette reculade par la nécessité de « prendre le temps (...) afin de permettre une analyse solide et un dialogue approfondi avec les parties prenantes concernées, et en particulier les pays partenaires qui pourraient effectivement être classés à haut risque ».

PRESSIONS INTERNATIONALES □ Bruxelles semble ainsi finalement accepter de prendre en compte les critiques des partenaires commerciaux de l’UE les plus sujets à la déforestation.

Il y a 6 mois, les ambassadeurs à l’Organisation mondiale du commerce (OMC) de 17 d’entre eux, dont notamment le Brésil, la Côte d’Ivoire ou encore la Thaïlande, signaient une lettre commune à l’intention des responsables européens.

Dans leur viseur : la classification prévue par la Commission, considérée comme « intrinsèquement discriminatoire et punitive », et « potentiellement incompatible avec les obligations de l'OMC ».

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Par Mathieu Solal

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