Focus sur l'accord de libre-échange UE-Mercosur... □ L'arrêt des livraisons de gaz russe à l'Autriche □ La renégociation de la loi sur la déforestation importée □ Le ralentissement du secteur mondial du luxe
BLOCS#39 □ Bonjour, nous sommes le mercredi 20 novembre et voici le trente-neuvième épisode de votre condensé d’actualité utile sur le commerce international. Suivez-nous sur LinkedIn.
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Après des déclarations hostiles des deux chefs de l’exécutif tricolore et l’envoi d’une lettre ouverte à Ursula von der Leyen signée par pas moins de 622 parlementaires, l’annonce, hier, de la tenue à l’Assemblée nationale d’un débat suivi d’un vote dès la semaine prochaine, a encore fait monter d’un cran l’expression de l’opposition française à l’accord d’association avec le Mercosur (Brésil, Argentine, Uruguay, Paraguay). Dans un contexte de résurgence du mouvement de colère agricole, le probable rejet massif de cet accord à l’Assemblée donnerait un nouvel argument de poids à Paris pour tenter de dissuader la Commission européenne de conclure, comme elle l’espère, les négociations dans les prochaines semaines. Faut-il s’en réjouir ou s’en désoler ? BLOCS fait le point.
Michel Barnier, Premier ministre français avec Valdis Dombrovskis, commissaire européen au Commerce, le 13 novembre 2024. © Commission européenne
VERTUS ÉCONOMIQUES □ Pour Bruxelles, comme pour une grande majorité des Vingt-Sept, la conclusion de l’accord de libre échange (ALE) UE-Mercosur, négocié depuis l’an 2000, aurait avant tout des vertus économiques. « Le Mercosur est un vaste marché de 300 millions de personnes avec un fort potentiel de croissance, et qui a toujours été protégé de hautes barrières douanières. C’est l’un des derniers accords de ce type susceptible d’avoir un effet significatif sur la croissance européenne », résume Aslak Berg, expert de politique commerciale au Center for European Reform.
Parmi les secteurs qui devraient gagner au change, « l’automobile, les produits pharmaceutiques, les produits chimiques, mais aussi des services, qui sont aussi inscrits dans l’accord, et sur lesquels la France est compétitive, énumérait lundi sur France Inter Charlotte Emlinger, économiste au CEPII. De même, le vin, pour l’heure taxé à plus de 20%, et les fromages bénéficieraient beaucoup de l’ouverture du marché sud-américain. Notons aussi la protection d’un certain nombre d’indications géographiques sur les produits agricoles, ce qui est important pour certaines régions ».
Pour autant, comme l’explique la chercheuse du European Council of Foreign Relations Agathe Demarais, dans une note publiée en janvier dernier, « l’impact économique de l’accord serait faible pour l’UE ; l’accord n’entraînerait qu’une augmentation du PIB de l’ordre de 0,1 à 0,3 %. En effet, les échanges entre l’Europe et les économies du Mercosur sont faibles, l’union douanière latino-américaine n’absorbant que 2 % des exportations mondiales de l’UE ».
DEUX OPPORTUNITÉS CRUCIALES □ La chercheuse voit néanmoins dans le projet d’accord la promesse de deux opportunités importantes : « premièrement, les pays du Mercosur détiennent de vastes réserves de matières premières essentielles qui seront cruciales pour la transition énergétique verte de l’UE », développe Agathe Demarais. Une bonne nouvelle, l’UE étant très dépendante de la Chine en la matière.
« Deuxièmement, un ALE avec le Mercosur soutiendrait les efforts de l’Europe en matière de réduction des risques, poursuit la chercheuse. Les institutions européennes travaillent d’arrache-pied pour trouver des moyens de convaincre les entreprises de l’UE de délocaliser leurs chaînes d’approvisionnement loin de la Chine, idéalement dans des pays aux vues similaires (lire : des démocraties) ».
Cet argument géoéconomique se trouve encore renforcé par l’élection de Donald Trump, lequel promet à la planète un dangereux cocktail protectionniste qui frapperait de plein fouet l’Europe.
Enfin, les pro-accords font valoir que « si nous ne concluons pas, le vide sera comblé par la Chine », comme l’a résumé la future cheffe de la diplomatie de l’UE, l’Estonienne Kaja Kallas, le 12 novembre. La Chine est déjà la première destination des exportations du Mercosur, où elle déploie en outre un plan d’investissement de 250 milliards d’euros.
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