Diversification : l'UE accélère

□ L'ouverture de nouveaux débouchés commerciaux va bon train □ Bruxelles veut se passer du GNL russe □ Pourquoi la Chine bannit les puces Nvidia □ Deal Trump-Starmer sur la tech □ L'agriculture américaine dans la panade □ Novartis bande les muscles □ L'accord OMC sur les subventions à la pêche illégale entre en vigueur

BLOCS
10 min ⋅ 24/09/2025

BLOCS#75 Bonjour, nous sommes le mercredi 24 septembre et voici le soixante-quinzième épisode de votre condensé d’actualité utile sur le commerce international. Suivez-nous sur LinkedIn.


Super-bloc

La signature, mardi, d’un accord commercial entre l’Union européenne et l’Indonésie a démontré une nouvelle fois la capacité de la Commission européenne à accélérer le tempo dans sa recherche de nouveaux débouchés pour les producteurs européens dans le Sud global. Si cette tendance, favorisée par le chaos commercial dans lequel Donald Trump a précipité la planète, peut permettre à certains secteurs de l’économie du Vieux Continent de relever la tête, elle tend aussi à mettre à mal l’agenda vert de l’UE.

Le président indonésien, Prabowo Subianto, et la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, lors de l’annonce de l’accord politique UE-Indonésie, le 13 juillet. © Union européenne, 2025

« NOUVELLES OPPORTUNITÉS »L’UE et l’Indonésie ont conclu mardi un accord commercial très attendu, voué à supprimer les droits de douane sur la quasi-totalité des exportations européennes vers la première économie d’Asie du Sud-Est.

L'accord, dit CEPA (« Comprehensive Economic Partnership Agreement »), intègre des baisses de droits de douane mais également des éléments réglementaires, et doit permettre aux deux blocs de doper leurs échanges, restés jusqu'ici relativement limités.

Les exportateurs européens économiseront ainsi environ 600 millions d'euros par an en droits payés sur leurs marchandises entrant sur le marché indonésien, selon une estimation de la Commission européenne.

Dans l’autre sens, l’accord doit permettre une exemption de droits de douane pour 80 % des produits indonésiens entrant sur le marché européen, notamment l'huile de palme et des produits textiles.

« Nous nous sommes engagés à redoubler d'efforts en matière de diversification et de partenariats, afin de soutenir davantage l'emploi dans l'UE et de stimuler la croissance, a rappelé mardi la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen. Notre accord avec l'Indonésie crée de nouvelles opportunités pour les entreprises et les agriculteurs dans une économie majeure et en croissance ».

DES PIEDS ET DES MAINS □ De fait, cet accord négocié depuis presque dix ans, et dont la conclusion semble avoir été favorisée par l’agressivité trumpienne à l’égard de ses deux signataires, n’est que le dernier signe en date de l’accélération de la mise en œuvre de la stratégie de diversification de l’UE.

Intensification des discussions avec la Thaïlande, promesse d’accord politique avec l’Inde d’ici à la fin de l’année (BLOCS#72), et surtout déclenchement de la procédure de ratification de l’accord tant attendu avec les pays du Mercosur (Argentine, Brésil, Paraguay, Uruguay)… Dans un contexte international toujours plus tendu, la Commission, qui mène les négociations pour le compte de l’UE, fait des pieds et des mains en faveur de la diversification des débouchés commerciaux.

Un mouvement judicieux, selon l’économiste André Sapir, Senior Fellow du think tank Bruegel, interrogé par BLOCS. « L’UE est l’entité économique qui a le plus d’accords de libre-échange au monde, pose-t-il. Ce n’est donc pas une histoire nouvelle, mais on peut constater une accélération et une volonté de s’allier avec les plus grands pays du Sud global, qui est bienvenue ».

« J’y vois au moins trois vertus, développe cet universitaire belge, ancien conseiller de Romano Prodi à la Commission européenne. D’abord, je vois dans ces accords en gestation une forme d’assurance, à l’heure où le système des règles de l’OMC, mis à mal depuis des années, est ciblé plus violemment que jamais par Donald Trump ».

« Ensuite, cette stratégie nous permet de sécuriser notre accès à des matières premières nécessaires à la transition verte, poursuit-il. Et enfin, ces accords permettent de marquer des alliances géopolitiques qui constituent autant de réponses aux messages envoyés par Donald Trump, selon lequel le commerce est mauvais, et seul l’unilatéralisme peut produire des résultats ».

CONFLIT DE TEMPORALITÉS □ Au-delà du symbole, on peut toutefois s’interroger sur la pertinence d’une réponse à la folie tarifaire trumpienne par des accords nécessitant d’âpres négociations, et dont les premiers effets ne devraient pas être effectifs avant des années.

Celui avec le Mercosur, qui est le plus avancé d’un point de vue procédural, devrait par exemple commencer à être mis en œuvre seulement à la fin de l’année 2026, et ne sera totalement effectif qu’en 2040.

« Le problème immédiat des droits de douane américains, on ne le règle pas de la sorte, admet André Sapir. Mais pour les entreprises, avoir des assurances à moyen terme, par exemple à l’horizon 2026 ou 2027, c’est très important, d’autant plus quand l’incertitude est à son paroxysme. Investir dans une nouvelle unité de production, cela ne prend jamais effet le lendemain matin ».

L’objection de la temporalité ne convainc pas non plus Simon Lacoume, économiste chez Coface.

« Considérer qu’un accord comme celui avec le Mercosur mettrait trop de temps à être mis en œuvre reviendrait à partir du principe que la rapidité de Donald Trump est positive, pointe ce spécialiste des secteurs agricole, des minerais et de l’automobile. Or, les mesures commerciales qu’il a prises vont se révéler néfastes pour l’économie américaine. On ne le voit pas encore clairement car les entreprises ont constitué des stocks qui ont permis d’amortir la politique tarifaire, mais peut déjà noter quelques indices en ce sens. Par exemple, le marché de l’emploi américain commence à se dégrader, et les marges s’érodent dans le secteur automobile ».

IMPACT ÉCONOMIQUE □ L’UE devrait toutefois elle aussi perdre des plumes du fait de la politique tarifaire du président américain, mais aussi des conflits en série avec Pékin (BLOCS#71).

L’impact économique des accords de libre-échange pourra-t-il vraiment compenser ces difficultés ? On peut en douter, dans la mesure où l’accord avec le Mercosur, vers lequel seuls 2% des exportations européennes vont pour l’heure, ne devrait occasionner qu’une augmentation maximum de 0,3% du PIB (BLOCS#39).

Pour les deux économistes, le jeu en vaut tout de même la chandelle.

« Quelques dixièmes de point de pourcentage, c’est loin d’être négligeable au niveau européen. Et il faut aussi insister sur l’impact par secteur, ainsi que sur les bénéfices en matière d’accès aux minerais », explique ainsi Simon Lacoume. Illustration : l’accord signé mardi avec l’Indonésie, qui devrait assurer à l’UE un approvisionnement en nickel.

DÉFORESTATION ABANDONNÉE □ Selon M. Lacoume, la vraie difficulté dans l’accélération de la diversification commerciale européenne réside dans ses frictions avec l’agenda vert de l’UE et, en particulier, le règlement anti-déforestation importée, conspué tant par le Brésil que par l’Inde, ou encore l’Indonésie.

Mardi, la Commission a d’ailleurs annoncé qu’elle envisageait de reporter la mise en œuvre de ce règlement d’un an supplémentaire, au grand dam de l’eurodéputé centriste Pascal Canfin.

« Chaque accord pris séparément ne fait certes pas une grande différence, mais il faut les voir dans leur globalité, comme une chaîne d’accords », estime pour sa part André Sapir, qui insiste aussi sur le potentiel d’un partenariat avec l’Inde.

Pour le chercheur belge, la ratification de l’accord avec le Mercosur, en bonne voie (BLOCS#73), fera d’ailleurs figure de test d’une importance cruciale pour la suite de la mise en place de la stratégie de diversification.

« Si on ne parvient pas à ratifier cet accord, il sera inutile de continuer de négocier avec l’Inde, car cela voudra dire que nous ne sommes simplement pas capabless politiquement d’aller de l’avant », estime M. Sapir.


Blocs-notes


NOUVEAU ROBINET □ « Il est temps de fermer le robinet », a lancé vendredi dernier Ursula von der Leyen au moment de dévoiler le 19ᵉ paquet de sanctions de l’UE, voué frapper encore plus fort le gaz et le pétrole de la Russie.

La principale nouveauté proposée par la cheffe de la Commission européenne aux Vingt-Sept : avancer au 1ᵉʳ janvier 2027 l’interdiction d’importer du gaz naturel liquéfié (GNL) venu du pays ennemi sur les marchés européens, jusqu’ici prévue pour 2028.

Cette initiative intervient alors que les frappes s’intensifient contre le territoire ukrainien, et que des drones et avions russes ont ces derniers jours violé l’espace aérien de la Pologne, de la Roumanie, de l’Estonie, et vraisemblablement ceux de la Suède et du Danemark mardi.

Ce nouveau paquet, qui comprend également diverses mesures visant le pétrole russe, intervient aussi dans le contexte de la demande répétée de Donald Trump aux Européens de stopper totalement leurs achats d’énergie russe. Le président américain, qui a réaffirmé avec force cette demande mardi devant l’Assemblée générale des Nations unies, en fait une condition pour que les États-Unis durcissent leurs propres sanctions contre Moscou.

Depuis le début de la guerre en Ukraine, en février 2022, le recours de l’Union aux hydrocarbures russes a considérablement diminué, sans toutefois disparaître.

L’an dernier, les importations de gaz russe par les États membres (GNL et via gazoduc) ont représenté 8,7 % du total des achats du bloc.

La dépendance reste plus prononcée en ce qui concerne le GNL. En 2024, les Vingt-Sept en ont importé 16 milliards de m³ selon Eurostat, soit plus de 14 % du total des importations — contre 16 % en 2021 —, les premiers acheteurs étant la France, les Pays-Bas, la Belgique et l’Espagne.

Gaz et pétrole confondus, les Européens déboursent ainsi en moyenne entre 40 et 50 millions d’euros par jour pour leurs achats, selon le Grand Continent. L’année dernière, ces montants sont allés jusqu’à dépasser ceux de l’aide financière de l’Europe à l’Ukraine, d’après le Centre for Research on Energy and Clean Air (CREA)

Ce 19ᵉ train de mesures a son importance dans le rapport de force avec le Kremlin, mais aussi dans le cadre de la relation UE-États-Unis. Dans le compromis commercial conclu par la Commission en Écosse fin juillet avec l’administration Trump, limitant les droits de douane américains à 15 % sur la majorité des exportations européennes, l’Union s’était engagée à acheter pour 750 milliards de dollars d’énergie américaine (pétrole, gaz et produits nucléaires) d’ici 2028.

La Commission européenne revendique ainsi de remplacer le GNL russe par des approvisionnements venus des États-Unis, lesquels constituent aujourd’hui le deuxième fournisseur de GNL de l’UE, derrière la Norvège.

Reste que ce paquet est loin d’être mis en place. Son adoption requière en effet l’unanimité des États membres, et la Hongrie et la Slovaquie, qui ont souvent contribué par leurs blocages passés à affaiblir les sanctions européennes, ont de nouveau menacé d’opposer leur veto.

L’exécutif de l’UE serait déjà prêt à débloquer 550 millions de fonds européens gelés à destination de Budapest afin de convaincre le gouvernement de Viktor Orbán, selon les informations du Financial Times.

« INCROYABLE RETOURNEMENT » À première vue, c’est à n’y rien comprendre. Pékin a ordonné aux entreprises chinoises de ne plus utiliser les puces de l’américain Nvidia dédiées à l’intelligence artificielle (IA).

Mercredi dernier, le régulateur chinois de la cybersécurité (SAMR) a en effet ordonné aux acteurs technologiques du pays de ne plus utiliser un type de ces microprocesseurs, baptisé RTX Pro 6000D, spécialement conçu pour le marché de l’Empire du milieu. Quelques jours plus tôt, ces entreprises avaient déjà reçu l’ordre de cesser de commander un autre modèle de puces Nvidia réservé à la Chine, les H20.

Pourquoi le gouvernement chinois décide-t-il de se passer de puces américaines hyper-sophistiquées dont les ventes n’étaient plus restreintes par les États-Unis ? Le paradoxe est d’autant plus saisissant que Pékin avait justement obtenu de haute lutte de l’administration Trump que ces modèles soient commercialisés en Chine (BLOCS#71).

En avril, le président américain avait initialement suspendu l’exportation de microprocesseurs H20 dans le pays, avant de lever cette interdiction mi-juillet. Cette concession de la Maison Blanche s’était inscrite dans un compromis plus large à l’origine de la trêve tarifaire conclue entre Pékin et Washington en mai (BLOCS#61).

Et pour cause, les cartes graphiques de Nvidia étaient jusque-là considérées comme indispensables pour entraîner et faire tourner des modèles d’IA. Et ce, même si les deux modèles réservés au marché chinois par la société de Santa Clara (les H20, et RTX Pro 6000D) ont en commun d’être moins performants que ceux livrés au reste du monde, selon une exigence de Washington.

« Nous ne leur vendons pas nos meilleurs produits, ni nos produits de deuxième classe, ni même nos produits de troisième classe, avait d’ailleurs fanfarroné Howard Lutnick, le secrétaire au commerce de Donald Trump, sur CNBC, le 15 juillet. On veut vendre suffisamment aux Chinois pour que leurs développeurs deviennent accros à la technologie américaine. »

On peut comprendre que le gouvernement chinois ait été piqué. Mais la décision de se passer des puces américaines ne s’explique ni par un simple mouvement d’humeur, ni par de prétendus « graves problèmes de sécurité » reprochés par Pékin à Nvidia.

En réalité, le pouvoir chinois a surtout estimé que le moment était venu de voler de ses propres ailes en la matière. « Derrière cette interdiction (...) se cache la volonté de favoriser les alternatives conçues par Huawei, Alibaba ou Baidu, désormais jugées suffisamment performantes pour prendre le relais », résume Jérôme Marin, l’auteur de la newsletter Cafétech, qui qualifie l’initiative de la Chine d’« incroyable retournement de situation » dans « cette bataille géopolitique [où] les États-Unis pensaient avoir toutes les cartes en main ».

Ce rattrapage technologique, érigé en priorité absolue par la Chine, semble bel et bien être en marche. Jeudi dernier, le géant chinois Huawei a communiqué sur les progrès de ses nouvelles puces Ascend, dédiées à l’intelligence artificielle générative. Quelques jours plus tôt, T-Head, filiale de semi-conducteurs du géant du e-commerce Alibaba, avait quant à elle indiqué avoir développé un nouveau processeur d’IA égalant les performances du H20 de Nvidia.


Mini-blocs


En visite d’État au Royaume-Uni la semaine dernière, Donald Trump a signé le « Tech Prosperity Deal », qui promet 200 milliards de dollars d’investissements américains dans le pays dirigé par Keir Starmer. Dans le détail, Microsoft s’engage à débourser 30 milliards sur quatre ans, quand Google prévoit plus de sept milliards d’investissements sur les deux prochaines années. Le fonds Blackstone, plus grand gestionnaire d’actifs alternatifs au monde, spécialisé dans le capital-investissement, l’immobilier et la dette privée, avec plus de 1 000 milliards de dollars sous gestion, devrait quant à lui engager plus de 100 milliards sur dix ans pour booster le développement de l’intelligence artificielle (IA) dans le nord-est de l’Angleterre. À ce stade, le détail de cette promesse d’investissement n’est toutefois pas connu. Réaffirmant leurs liens impérissables, les deux dirigeants ont par ailleurs acté un partenariat stratégique dans les secteurs de l’IA, des technologies quantiques et de l’énergie nucléaire. Après le très critiqué deal conclu entre les deux nations en mai (BLOCS #61), ce nouvel accord est vu par de nombreux observateurs comme un acte de vassalisation technologique supplémentaire du Royaume-Uni à l’égard des États-Unis. Grands perdants de la rencontre : les acteurs du monde de la pharmacie et de la sidérurgie, qui espéraient pousser leurs revendications pour voir réduits les droits de douanes appliqués à leurs exportations, mais dont les demandes n’ont même pas été étudiées.

L’administration américaine travaille à la mise en œuvre d’un dispositif pour renflouer les exploitations agricoles menacées de faillite, a annoncé mercredi dernier la Secrétaire à l’Agriculture, Brooke Rollins. « Certaines mesures pourraient être annoncées très prochainement », a-t-elle expliqué dans un entretien accordé au Financial Times, précisant que le dispositif pourrait être financé, au moins en partie, par les revenus générés par les droits de douane imposés sur les importations américaines. Aux États-Unis, le secteur agricole fait face à d’importantes difficultés, confronté à une hausse importante du prix des intrants (fertilisants, machines, etc.) et une réduction des débouchés à l’export, liée notamment la fermeture progressive du marché chinois. Selon Brooke Rollins, l’administration Biden est responsable de la situation délétère du secteur. Elle rappelle qu’aucun accord de libre-échange n’a été conclu durant le mandat du démocrate, et vante l’action de Donald Trump, qu’elle estime en bonne position pour obtenir une série de nouveaux accords susceptibles d’ouvrir de nouveaux marchés aux producteurs américains

Vas Narasimhanle, PDG du géant pharmaceutique bâlois Novartis, a déclaré samedi que son groupe était prêt à faire face à d’éventuels nouveaux droits de douanes américains, grâce aux stocks qu’il a constitués sur le sol du pays de l’Oncle Sam. Pour l’heure, les produits pharmaceutiques suisses sont exemptés des 39% de droits de douanes infligés au pays helvète, dans l'attente des conclusions de l'enquête sectorielle initiée en avril par l’administration Trump. Pour amadouer le président américain, Novartis a déjà annoncé 23 milliards de dollars d’investissement aux États-Unis dans les trois prochaines années, et son président a déclaré que le géant suisse ambitionnait de fabriquer outre-Atlantique ses produits les plus importants. Novartis tente ainsi de mettre ses actifs à l'abri des menaces du locataire de la Maison Blanche et de contrer la double-contrainte qu’implique désormais la fabrication sur le sol européen : celle des droits de douane et celle de l’environnement réglementaire contraignant du Vieux Continent. Le groupe a fait partie des signataires de la lettre des géants européens de la pharma, qui ont menacé, en mars, la Commission européenne de délocaliser leur production sur le sol américain si elle ne consentait pas un allègement de leurs contraintes sur le marché européen. (BLOCS #59).

L’Accord de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) sur les subventions à la pêche illégale est entré en vigueur le 15 septembre dernier. Adopté lors de la 12ème conférence ministérielle de juin 2022, à l’issue de plus de 20 ans de négociation, et désormais accepté par deux tiers des membres de l’OMC (BLOCS#12), ce texte contraignant vise à interdire les subventions jugées les plus néfastes, soutenant la pêche illicite, de stocks surexploités, et en haute-mer non réglementée, qui contribuent à la surexploitation des ressources halieutiques. Un fonds d’affectation spéciale accompagne sa mise en œuvre. Il doit permettre aux économies les moins avancées signataires de bénéficier d’une assistance technique et de renforcer leurs capacités pour gérer plus durablement leurs pêcheries. « Cet accord montre comment nous pouvons mettre le commerce au service des personnes et de la planète » a commenté la Directrice générale de l’OMC, Ngozi Okonjo-Iweala, saluant le premier instrument multilatéral de l’organisation centré sur la protection de l’environnement - un succès notoire pour une institution émaillée par les blocages institutionnels et les initiatives individuelles. Les discussions se poursuivent dans le but d’adopter des dispositions additionnelles, traitant de la question de la surcapacité des bateaux. 

L’intelligence artificielle (IA) devrait permettre une augmentation des échanges internationaux de l’ordre de 40% d’ici à 2040, selon le rapport 2025 sur le commerce de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) paru le 17 septembre. Les services tels que la création de contenu, la télémédecine ou l’analyse de données seraient les grands gagnants de cette hausse, avec +42% dans le scénario le plus favorable étudié par l’institution. Un tel essor permettrait également une meilleure participation des petites et moyennes entreprises au commerce mondial en abaissant les coûts des échanges, en améliorant la visibilité au sein des chaînes d’approvisionnement, en automatisant le dédouanement, en réduisant les barrières linguistiques et en renforçant l’intelligence de marché. Toutefois, ces hypothèses nécessitent des politiques publiques volontaristes permettant une « croissance inclusive » et une allocation efficace des bénéfices au profit des régions les moins développées. L’OMC prévient ainsi qu’un développement qui ne se conformerait pas à ces conditions risquerait d’exacerber la fracture territoriale et que le boom de l’IA pourrait accentuer les inégalités régionales.

Agathe Demarais, chercheuse au sein du groupe de réflexion European Council on Foreign Relations, a publié, mercredi dernier, un article interrogeant la stratégie de l’Union européenne face à l’incertitude globale créée par la politique économique de Donald Trump (« Trumponomics »). Selon cette spécialiste des questions géoéconomiques, les Européens peinent à proposer une réponse cohérente face à l’instrumentalisation des relations commerciales par les États-Unis. Elle plaide en faveur d’un leadership européen uni permettant de conduire une politique étrangère indépendante, au-delà de la logique court-termiste imposée par l’administration américaine. Sur le plan commercial, elle dénonce des mesures de rétorsion contreproductives et se prononce en faveur de l’adoption d’accords sectoriels (« mini-deals ») afin de soutenir les exportateurs européens. Plus largement, Agathe Demarais défend l’adoption de réformes allant dans le sens de l’approfondissement du marché intérieur ou encore du renforcement de la place de l’euro sur la scène internationale – qu’elle décrit comme transformatrices pour le bloc au-delà de l’horizon trumpien.

Dans une étude parue en milieu de semaine dernière, Junyu Tan, économiste chez Coface, se penche sur le cas du Japon. Après trois décennies de déflation, l’archipel connaît depuis 2022 une hausse soutenue de ses prix. Si cette tendance nouvelle est avant tout liée à des facteurs externes, elle se mue désormais en dynamique interne, portée par la croissance des salaires et la hausse des prix des services, analyse Junyu Tan. « Pour que cette reflation se traduise par une croissance durable des prix, il est essentiel que la hausse des salaires se poursuive et que les entreprises convertissent leurs profits en investissements productifs. Faute de quoi, le pays risque de retomber dans le piège de la déflation », affirme l’économiste de Coface.


Cette édition a été préparée par Mathieu Solal, Alexandre Gilles-Chomel, Justine Duval, Clément Solal et Sophie Hus-Solal.

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Par Mathieu Solal

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