Entre Pékin et Bruxelles, un dialogue impossible ?

□ Le sommet UE-Chine □ Comment Bruxelles veut protéger l'acier □ La couteuse escalade États-Unis/Brésil □ L'Indonésie tope avec Trump □ Sanctions contre le pétrole russe □ Pourquoi le billet vert reprend un peu de couleur □ Nvidia pourra finalement exporter ses puces en Chine □ Nouvelles frictions Pékin-Washington dans la filière des batteries

BLOCS
11 min ⋅ 23/07/2025

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Super-bloc

Le sommet Chine-UE prévu ce jeudi à Pékin, à l’occasion des cinquante ans des relations diplomatiques entre les deux blocs, devrait accoucher d’une souris, en dépit des intérêts objectifs manifestes des deux puissances à collaborer. Tentative d’explication.

Dessin de Philippe Vilandrau pour BLOCS - 👉 Instagram ; Blog

ATTENTES AU PLUS BAS □ À quelques encablures d’un sommet Chine-Union européenne marquant les cinquante ans de la relation diplomatique entre les deux espaces, les attentes des observateurs sont au plus bas.

« Une bonne conversation, un bon échange, au plus haut niveau, sur tous les sujets qui intéressent et préoccupent, serait déjà un bon résultat », prévenait ainsi en fin de semaine dernière un fonctionnaire européen.

Initialement prévu à Bruxelles sur deux jours, le sommet a été relocalisé à Pékin et réduit à une journée, sur demande de la partie chinoise. Autre signe du faible intérêt accordé par la Chine : son leader, Xi Jinping, ne participera aux discussions que le matin.

L’essentiel du sommet consistera ainsi en une entrevue centrée sur les enjeux commerciaux entre la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, le président du Conseil européen, António Costa, et le Premier ministre chinois, Li Quiang. Sans résultat concret à attendre, donc.

LIENS ÉTROITS □ La faible ambition de ce sommet est d’autant plus difficile à comprendre que les deux blocs semblent avoir tout intérêt à communiquer.

À elles deux, l’UE et la Chine pèsent en effet pour 30% du commerce mondial de biens et de services, et 34,4% du PIB planétaire. L’Union est par ailleurs le premier partenaire commercial de la Chine, et la superpuissance asiatique le troisième de l’Europe.

À ces liens économiques étroits s’ajoute un contexte a priori propice au dialogue : la guerre commerciale mondiale lancée par les États-Unis de Donald Trump, à l’origine de droits de douane sans précédents et d’une incertitude épaisse quant à l’accès au marché américain.

Un enjeu qui paraît particulièrement fort pour l’Empire du Milieu, qui subit pour l’heure des tarifs américains de 30% sur ses produits (BLOCS#68), ce qui l’oblige à en réorienter une partie vers d’autres marchés. Le tout alors qu’elle dispose, dans beaucoup de secteurs, de surcapacités industrielles.

Dans ces conditions, la Chine aurait donc tout intérêt à garantir l’ouverture du marché européen, en particulier pour ce qui concerne les voitures électriques frappées depuis l’automne par des sanctions commerciales européennes (BLOCS#34).

DEMANDE EN BERNE □ La question des surcapacités touche par ailleurs de plus en plus de secteurs, et se conjugue à une demande intérieure chinoise toujours en berne.

« Depuis le second semestre de l'année dernière, le gouvernement chinois a mis en place des subventions sur certains produits, comme les automobiles, les appareils électroménagers et les appareils électroniques personnels, ce qui s'est avéré très efficace, explique Junyu Tan, économiste chez COFACE. Cependant, le problème de ces subventions est qu'elles ne font qu'anticiper la demande future ».

De son côté, la Commission européenne, qui a lancé une task force spécialement dédiée à la surveillance de ces surcapacités (BLOCS#57), aurait elle aussi tout intérêt à négocier des garanties à leur sujet.

De même, la mise en place de garanties et de règles sur les investissements de la Chine dans l’UE et réciproquement, ou encore la coopération climatique — alors même que la Chine semble avoir franchi son pic d’émissions de CO2 — apparaissent comme autant de domaines dans lesquels un dialogue bilatéral devrait couler de source.

Et pourtant, le grand sommet risque fort de faire « pschitt ».

ÉLÉPHANT AMÉRICAIN □ L’explication la plus évidente de ce paradoxe : « les deux parties paraissent très occupées par leurs négociations respectives avec les États-Unis, ce qui semble perturber le sommet », analyse Junyu Tan.

« La Chine espérait que la pression américaine pousse les Européens à se rapprocher d’elle, développe Sacha Courtial, chercheur associé à l’Institut Jacques Delors, spécialiste des relations UE-Chine. En réalité, les Européens sont plutôt dans l’attente. Ils préparent un deal avec l’administration Trump et préfèrent ne pas froisser les Américains en s’engageant sur une route qui serait symboliquement celle d’un rapprochement avec Pékin. D’où une certaine déception du côté de la Chine ».

« Les dirigeants chinois sont très préoccupés par ce que pourrait contenir l'accord UE-États-Unis. Ils craignent que l’opposition des Européens à la Chine puisse faire partie d’un deal permettant, pour les Européens, une garantie de sécurité et une présence américaine durable dans l'architecture de sécurité en Europe », expliquait pour sa part Abigaël Vasselier, la cheffe du programme sur les affaires étrangères chinoises au Mercator Institute for China Studies (MERICS), au cours d’un briefing organisé lundi par le think tank.

De fait, les récentes déclarations pour le moins offensives d’Ursula von der Leyen à l’endroit de la Chine ont eu de quoi inquiéter Pékin (BLOCS#69).

DERISKING □ Au-delà de l’éléphant américain dans la pièce, les relations sino-européennes paraissent marquées par trop de conflits majeurs pour pouvoir se pacifier, du moins à court terme.

La mise en œuvre timide d’une stratégie de « derisking » (de réduction des risques liés, en particulier, aux dépendances critiques) depuis quelques années par l’UE a en effet mené à une escalade chinoise.

Face aux enquêtes anti-subvention et aux sanctions contre ses voitures électriques, la Chine a ainsi choisi de réagir avec fermeté, quitte à nier en creux le caractère déloyal pourtant éprouvé de ses pratiques commerciales. On lui reproche en particulier ses aides publiques massives ou la fermeture de ses marchés publics.

« La Chine a tenté de créer des leviers de négociation, un peu comme Trump, vis-à -vis de l’UE, explique Abigaël Vasselier. Elle prend le pari que ce type d’attitude peut fonctionner ».

Une stratégie qui a culminé, dès le mois d’avril, avec la mise en place d’un système de contrôle des exportations de terres rares chinoises (BLOCS#65), censé viser les États-Unis, et qui touche en fait aussi les entreprises européennes.

« C’est une carte de négociation que s’est fabriquée Pékin, estime Sacha Courtial. La Chine a beau jeu de s’abriter derrière son administration, en disant que cette dernière fait du zèle, ce qui conduit à toucher les Européens. Mais on a quand même tendance à croire que l’attitude des Européens sera déterminante pour conduire Pékin à résoudre ces problèmes administratifs ».

SOUTIEN À LA RUSSIE □ Autre motif de tension : le soutien subsistant de la Chine à la Russie sur le plan économique et militaire. Au début du mois, le Premier ministre chinois, Wang Yi, a affirmé auprès de responsables européens que la Chine n’avait aucun intérêt à voir la Russie perdre en Ukraine, jetant un froid.

Les Européens, qui caressaient depuis le début du conflit l’espoir de convaincre Pékin de cesser de soutenir Moscou, doivent se rendre à la réalité. Dans ce contexte de tension absolue, reste-t-il un espace de dialogue possible entre Bruxelles et Pékin ?

« C’est la grande question, répond Sacha Courtial. Dans un moment où on se comprend très mal, l’UE paraît divisée, hésitant entre avancer là où c'est encore possible — le climat, la culture, la coopération scientifique et universitaire — ou arrêter de séparer la géopolitique et les autres sujets. La Chine semble quant à elle favorable à cette politique de silo pour continuer à travailler avec les Européens ».

Retrouvez cet article en version longue sur le site de notre partenaire, Alternatives Économiques.


Blocs-notes


BRUXELLES PROTÈGE L’ACIER □ La Commission européenne est prête à muscler considérablement ses défenses commerciales pour protéger l’industrie sidérurgique de l’UE, confrontée à une crise profonde liée, notamment, à la concurrence déloyale venue de Chine.

L’exécutif européen a lancé le 18 juillet une consultation publique qui devrait aboutir « dès début septembre » à une proposition de mesures visant à « réduire jusqu'à plus de 50% l'acier venu de l'étranger dans l'UE », a indiqué vendredi dernier Stéphane Séjourné, vice-président exécutif de l’institution.

Le principe d’une telle protection n’est en soi pas nouveau. Depuis 2018, l’UE a recours à des « mesures de sauvegarde » : des droits de douane sur les importations d’aciers sont imposés au-delà de certains quotas.

La proposition législative dans les tuyaux visera non seulement à prolonger ce dispositif, qui est censé expirer le 30 juin 2026, mais aussi à le durcir sensiblement. « Les nouvelles mesures seront beaucoup plus restrictives que celles d'avant », a ainsi promis Stéphane Séjourné.

Aux yeux de la Commission, le contexte actuel des tarifs américains, qui ont pour effet collatéral d’accroître la concurrence chinoise à prix cassés en Europe, appelle une réponse radicale.

« L’introduction par les États-Unis de droits de douane à l’importation de 25 % sur l’acier et l’aluminium le 12 mars 2025 (portés à 50 % le 3 juin 2025) nuit non seulement aux producteurs de l’UE en limitant leur accès au marché américain (...), mais accentuera également la pression liée aux réorientations de commerce : (...) des exportations initialement destinées aux États-Unis pourraient être redirigées vers l’UE , lit-on dans le texte accompagnant la consultation de Bruxelles. Une action immédiate de l’UE est donc nécessaire ».

Si nombre de partenaires commerciaux, comme la Corée du Sud, le Vietnam ou le Canada, ont érigé ces derniers mois des barrières contre les surcapacités écoulées par la Chine, l’UE aura, comme ces pays, pour défi de minimiser les phénomènes de contournement de ses tarifs douaniers.

La Commission devra en outre faire preuve d’une certaine créativité juridique pour appliquer des mesures de sauvegarde au-delà de juin 2026. Car, à cette échéance, cela fera huit ans que ces mesures ont été introduites pour la première fois, soit le délai maximum au titre des règles de l’OMC. Pour justifier de faire fi de cette limite, l’UE pourrait toutefois invoquer les exceptions liées aux « intérêts de sécurité essentiels » des pays, contenues à l’article XXI du GATT (General Agreement on Tariffs and Trade).

De fait, l’acier, qui est utilisé entre autres dans la construction, les infrastructures, les chemins de fer, l’automobile, les navires, les éoliennes, et qui a un rôle central dans le secteur de la défense, revêt une importance stratégique pour l’Europe.

Or la filière, qui a déjà vu en une quinzaine d’années sa production chuter de 30 % et 100 000 emplois disparaître sur le Vieux continent, fait face aujourd’hui à une conjonction de facteurs défavorables.

Outre les tarifs de Trump, et les surcapacités chinoises, les aciéries de l’UE doivent composer avec une baisse de la demande continentale — notamment de la part de l’industrie automobile et des acteurs de la construction — des prix de l’énergie plus élevés qu’ailleurs, ainsi qu’avec une coûteuse transition écologique.

Les nouvelles difficultés rencontrées par Novasco (ex-Ascométal), acteur français de l’acier décarboné, ne constituent que le dernier exemple en date, alors que des géants comme ArcelorMittal France et ThyssenKrupp Steel ont annoncé ces derniers mois des suspensions d’investissement et autres suppressions d’emplois en Europe.

L’ESCALADE LULA-TRUMP □ Le conflit politico-judiciaire en cours entre le Brésil et les Etats-Unis pourrait avoir de lourdes conséquences commerciales.

Alors que l’ex-président brésilien d'extrême droite Jair Bolsonaro doit être jugé pour tentative de coup d'Etat, son allié Donald Trump exige l’annulation pure et simple de la procédure.

Faute de quoi, le sulfureux républicain a promis d’appliquer de nouvelles taxes douanières de 50 % contre le géant sud-américain à compter du 1er août. Faut-il prendre la menace au sérieux ?

L’actuel dirigeant de gauche, Lula, qui dénonce une ingérence dans le système judiciaire, a en tout cas signé le 14 juillet une « loi de réciprocité », qui ouvre la voie à des mesures de représailles économiques contre les États-Unis — ou tout pays « interférant dans les choix légitimes et souverains du Brésil ».

Reste que Brasília pourrait privilégier la négociation, et modérer son éventuelle réplique qui, selon ladite loi, devra « minimiser l’impact sur l’activité économique », comme le relève Le Monde.

Et pour cause, le Brésil est l’un des rares pays émergents face auquel les Etats-Unis affichent un surplus commercial allant de pair avec une dépendance de l’industrie brésilienne à une série de biens américains à haute valeur ajoutée (les équipements de transport, comme les avions et les pièces automobiles, ou encore les machines industrielles sophistiquées, l’électronique et des produits chimiques spécialisés, dont des engrais).

À l’inverse les 50% agités par Trump auraient certes un impact important sur la première économie d’Amérique Latine, mais pas insurmontable : seules 12 % des exportations brésiliennes sont dirigées vers les Etats-Unis, soit moins que vers la Chine (30,7 %) et l’UE (14,3 %).

Il s’agit essentiellement de matières premières et de produits semi-transformés (minerai de fer, pâte de bois et autres matériaux fibreux, café, sucre, cuir, acier…). Autant de marchandises qui seraient susceptibles d’être réorientées.


Mini-blocs


L’Indonésie a obtenu un abaissement à 19 % du tarif douanier de base sur ses produits exportés vers les États-Unis, contre les 32% promis en avril, a annoncé le 15 juillet Donald Trump. Le pays aux plus de 280 millions d’habitants peut se targuer d’avoir obtenu le taux le plus bas jusqu’ici parmi les pays de l’ASEAN. La Maison blanche invoquait dans ces discussions le déficit commercial de près de 18 milliards de dollars accusé en 2024 (des exportations avoisinant les 10 milliards pour 28 milliards d’importations en provenance d’Indonésie). Le compromis semble donc largement déséquilibré en faveur de Washington. Le pouvoir indonésien s’est en effet engagé sur plusieurs années à acheter 15 milliards de dollars de matières premières énergétiques (les détails restant toutefois à préciser), 4,5 milliards de dollars de produits agricoles (dont du blé, du maïs et du soja), ainsi que 50 avions Boeing. En outre, 99 % des produits américains pourront désormais entrer dans le pays sans droits de douane. Bien que l’Indonésie n’est aujourd’hui que le 23ème partenaire commercial des Etats-Unis (moins de 1% des importations américaines), ces derniers constituent le deuxième débouché des exportations indonésiennes (notamment en huile de palme, cuir, et caoutchouc), derrière la Chine. Certains observateurs ne partagent ainsi pas l’enthousiasme affiché par Jakarta. De fait, le pays hérite de tarifs américains quatre fois supérieurs comparé à la situation antérieure au 2 avril.

L’UE a adopté vendredi dernier son 18ème paquet de sanctions contre la Russie. Les Européens se sont accordés sur l’abaissement du plafond du prix du baril de pétrole brut. Fixé à 60 $ par baril jusque là, ce montant va passer à 47,6 $, et sera à l’avenir soumis à un ajustement automatique à intervalles réguliers en fonction de l’évolution du cours, pour rester 15 % en dessous du prix légal moyen. Concrètement, les entreprises européennes ne peuvent être impliquées dans le transport du brut russe que si le prix est en dessous du plafond. L’objectif est de limiter la rente pétrolière qui représente encore un tiers des revenus de l’État russe grâce, notamment, aux ventes réorientées vers la Chine et l’Inde, ainsi qu’au contournement des sanctions, via la fameuse « flotte fantôme ». 105 navires de ces navires en plus sont d’ailleurs sanctionnés par les Vingt-Sept. Autre mesure importante : les importations depuis les États tiers de produits raffinés à partir du pétrole russe sont prohibées par le 18ème paquet. L’idée est là de cibler les usines de raffinage en Inde et en Turquie, d’où serait réexporté massivement du pétrole russe en Europe. Reste que, comme le soulignent le Financial Times et Le Monde, l’efficacité de ces dispositifs, parmi lesquels le plafonnement introduit par le G7 en 2022, reste limitée par les difficultés de coordination entre partenaires et la faiblesse des dispositifs de contrôle. En parallèle, les États-Unis menacent d’imposer des droits de douane massifs à la Russie et à ses alliés.

Le billet vert retrouve enfin de la couleur. Le dollar devrait modérément s’apprécier en juillet, après six mois à la suite d’une dépréciation inédite depuis 1973, comme le relève le Financial Times. Ainsi, l’effondrement annoncé de l’économie américaine n’a pas eu lieu jusqu’ici : la consommation nominale (non ajustée des effets de l’inflation) se maintient, le taux de chômage a reculé légèrement en juin et les entreprises américaines affichent des résultats trimestriels au-delà de leurs attentes. Conjugués à l’adoption du budget fédéral – éloignant le risque d’un défaut souverain –, ces résultats stimulent l’attractivité de la monnaie états-unienne et devraient retarder la baisse du taux directeur par la Réserve fédérale (Fed). Cependant, de premiers signes d’essouflement face aux tarifs de Donald Trump semblent se manifester. L’indice des prix à la consommation (IPC) a déjà augmenté de 0,3% en juin, portant l’inflation annuelle à 2,7%. Jusque-là, la progression des prix a pu être contenue grâce à l’abaissement des marges des entreprises et aux stocks constitués en prévision de cette période d’incertitude, comme l’explique Les Echos. Toutefois, l’entrée en vigueur imminente des droits de douanes « réciproques » et la perspective de nouveaux tarifs sectoriels (pharmacie, cuivre, etc.) risquent de peser fortement sur le pouvoir d’achat des consommateurs outre-Atlantique. La Fed anticipe d’ailleurs un fort ralentissement de la croissance en 2025, estimée à 1,4% sur l’année (contre 2,8% en 2024).

Nouveau revirement de Donald Trump, qui a finalement autorisé le géant américain Nvidia à vendre en Chine ses puces pour l’IA. Le président américain avait initialement semblé marcher dans les pas de son prédécesseur, Joe Biden, qui s’était efforcé à partir de 2022 d’endiguer le rattrapage chinois dans les microprocesseurs. En avril, M.Trump avait ainsi interdit à Nvidia de fournir à Pékin ses composants « H20 », spécialement conçus pour le développement l’IA dans l’Empire du Milieu. Cette interdiction a donc été levée. Une décision en faveur de laquelle avait fortement poussé Jensen Huang, le PDG de Nvidia – devenue la première entreprise valorisée à plus de 4 000 milliards de dollars, – mais qui semble avant tout s’inscrire dans un deal plus large à l’origine de la trêve douanière conclue entre Pékin et Washington en mai (BLOCS#61), puis confirmée en juin. Outre la diminution des tarifs de part et d'autre, Washington semble avoir obtenu des engagements sur le front des terres rares lourdes pour lesquelles la Chine avait mis en place, en représailles, de fortes restrictions de livraison créant des pénuries (BLOCS#65).

Pour autant, la relation commerciale sino-américaine est loin d’être désormais apaisée. Washington a dévoilé en parallèle vendredi dernier un nouveau tarif anti-dumping de 93,5% sur le graphite chinois, un minéral essentiel aux batteries des véhicules électriques. Si cette mesure – qui rehausse un droit de 25% sur le graphite chinois décrété par Joe Biden l’année dernière – est saluée par des producteurs américains y voyant une occasion d’attirer les investissements, elle constitue un coup dur pour la filière des voitures électriques outre-Atlantique. L’industrie américaine ne produit en effet pas suffisamment de graphite pour répondre à la demande, et pas d’une qualité suffisante pour approvisionner les batteries automobiles. Suite à cette annonce, les actions des grands groupes non-chinois du secteur ont fortement progressé en bourse, comme celles de l’australien Syrah Resources, du canadien Nouveau Monde Graphite ou encore du sud-coréen Posco Future M.

De son côté, la Chine a imposé de nouvelles restrictions à l’exportation de technologies cruciales pour la production de batteries lithium-ion de pointe, utilisées dans les véhicules électriques, dans le but de consolider sa domination dans ce secteur. Plusieurs ajouts à une liste de technologies soumises à des restrictions d'exportation ont été rendus publiques par le ministère du Commerce chinois. Ce dernier a notamment classé comme « restreinte » une technologie de préparation des matériaux pour cathodes de batteries, ce qui induit qu'elle ne peut être exportée sans licence. Des restrictions ont en outre été durcies sur une technologie – dans le domaine de la métallurgie non ferreuse – impliquée dans l'extraction et le raffinage du lithium.

La société de raffinage franco‑luxembourgeoise Livista Energy a annoncé le 9 juillet la signature d’un partenariat stratégique avec le chinois Tianqi Lithium, l’un des leaders mondiaux de la production et du raffinage du lithium, comme le relève Les Echos. L’accord porte notamment sur la fourniture de spodumène — un minéral riche en lithium —, une collaboration en R&D pour développer localement la production de lithium de nouvelle génération, ainsi que la possibilité pour l’entreprise chinoise d’investir dans les futures installations européennes de Livista, notamment au Havre. Le lithium est indispensable à la fabrication de batteries électriques et de systèmes de stockage d’énergie, deux piliers de la transition énergétique. Le géant chinois contrôle une part significative de la chaîne d'approvisionnement mondiale en lithium. « Avec un partenaire de cette envergure, nous contribuerons à apporter à l’Europe les matières premières critiques dont elle a besoin  », a déclaré Roland Getreide, président et fondateur de Livista Energy.

Dans une analyse en accès libre publiée le 16 juillet, Chris Horseman, éditeur adjoint du média Borderlex consacré aux questions commerciales, interroge l’avenir de l’organe de règlement des différends (ORD) de l’OMC et le rôle de l’Arrangement multipartite d'arbitrage intérimaire d'appel (ou MPIA en anglais). Le MPIA avait initialement été conçu pour surmonter de manière temporaire le refus des États-Unis de nommer de nouveaux juges — paralysant de fait le fonctionnement du dispositif. Il permet désormais à ceux qui croient encore en un système international fondé sur les règles de clarifier leurs obligations respectives. Désormais constitué de 56 membres, ledit arrangement pourrait-il se pérenniser, faute de progrès substantiels pour réformer le système d’appel de l’ORD ?

Dans une note parue le 18 juillet, le Centre for European Reform plaide en faveur d’une politique numérique européenne indépendante, au service de la compétitivité du Continent, malgré la tentation d’en faire un levier de négociation vis-à-vis des États-Unis. Zach Meyers, chercheur associé du think tank, souligne la faiblesse des concessions obtenues par le Canada et le Royaume-Uni en échange d’un assouplissement de façade de leurs propres régulations (digital services tax, IA Bill). En revanche, le chercheur spécialiste du numérique et de la concurrence, évoque l’intérêt des Européens à présenter stratégiquement certains de leurs choix souverains comme étant positifs pour les entreprises américaines – à l’image du tout récent Code de bonne conduite du règlement européen AI Act, largement vidé de sa substance.


Cette édition a été préparée par Mathieu Solal, Alexandre Gilles-Chomel, Justine Duval et Clément Solal. Merci à Sophie Hus, notre fidèle correctrice.

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Par Mathieu Solal

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