Combler Trump : la stratégie payante de Big Pharma

Focus sur les grandes manoeuvres des labos pour contrer les menaces douanières de Washington.

BLOCS
3 min ⋅ 22/10/2025

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Super-bloc

Face aux menaces de droits de douane de Donald Trump, les grands laboratoires pharmaceutiques réagissent avec des promesses d’investissements massifs aux États-Unis et des engagements à baisser les prix de certains de leurs médicaments. Une stratégie des courbettes qui porte ses fruits. Analyse.

Photo de Christine Sandu sur Unsplash

UNE VICTOIRE SUR UN PLATEAU □ Le laboratoire pharmaceutique Merck a annoncé jeudi avoir conclu un accord avec l’administration américaine. En l’échange d’une exemption de droits de douane, le groupe allemand accepte d’investir dans la fabrication et la recherche aux États-Unis et surtout de réduire le prix de ses médicaments contre l'infertilité.

Cet engagement, qui ne devrait pas représenter un coût trop élevé pour le labo, permet à Donald Trump de tenir une de ses promesses de campagne : rendre la fécondation in vitro moins chère et plus largement accessible aux États-Unis. 

« Concrètement, Merck proposera son portefeuille de thérapies de FIV sur TrumpRX, un site web de vente directe de médicaments à prix cassés aux consommateurs, opéré par le gouvernement fédéral », détaille Les Échos.

Servir sur un plateau une victoire politique au locataire de la Maison Blanche pour obtenir sa mansuétude douanière : la technique est désormais éprouvée, parmi les grands laboratoires mondiaux. Ces dernières semaines, l’Anglais GSK, le Suédo-Britannique AstraZeneca et l’Américain Pfizer ont ainsi signé des deals similaires avec Washington, avec, à chaque fois, des engagements somme toute assez faibles de leur côté.

COURBETTES □ Il faut dire que ces accords récents, qui visent essentiellement des baisse de prix de médicaments aux États-Unis, ne représentent que les derniers épisodes du bras de fer entre le président américain et le secteur pharmaceutique, suite à la mise en place le 1er octobre de droits de douane de 100% sur bon nombre de médicaments.

Les tensions et les menaces ont en fait commencé dès le début du mandat du Républicain, et ont déjà occasionné des promesses d’investissements en série de l’industrie. Mi-septembre, Le Monde dénombrait ainsi des annonces cumulées s’élevant à plus de 350 milliards de dollars. 

Ces promesses, étalées sur des périodes excédant souvent la durée du mandat de Donald Trump, permettent pour l’heure aux grands acteurs du secteur de maintenir leur précieux accès au marché américain.

Véritable poule aux œufs d’or de l’industrie pharmaceutique en raison des prix élevés des produits de santé dans le pays, les États-Unis concentrent en effet, à eux seuls, plus de la moitié des ventes mondiales en valeur de médicaments. Une manne qui vaut bien quelques courbettes.

L’EUROPE QUI PROTÈGE □ Pour maintenir cet accès, les géants européens du secteur ont aussi pu compter sur les négociateurs de la Commission européenne, qui sont parvenus, avec la déclaration conjointe de Turnberry (Écosse) fin juillet (BLOCS#72), à préserver leurs intérêts.

L’accord informel conclu par Ursula von der Leyen et Donald Trump a en effet permis des exemptions de droits de douane ciblées sur les médicaments génériques et les ingrédients pharmaceutiques. De surcroît, l’accord a permis de limiter drastiquement l’impact des droits de douane américains entrés en vigueur le 1er octobre (BLOCS#76).

« Big pharma » peut ainsi compter sur les efforts diplomatiques continus de Bruxelles pour préserver ses intérêts.

PRESSION CONTINUE □ Pas de quoi attendrir les grands labos, qui continuent néanmoins à mettre sous pression les institutions européennes.

Au mois d’avril, 32 d’entre eux avaient signé une missive pour appeler Bruxelles à assouplir les conditions du marché européen, en menaçant expressément de réorienter massivement leurs investissements vers les États-Unis (BLOCS#59). 

Dans leur viseur, en particulier, la directive européenne sur les eaux usées qui les menace d’importants surcoûts. Message reçu par la France, qui tente désormais de faire valoir leur point de vue auprès de la Commission.

PERSPECTIVES DÉGAGÉES □ L’un dans l’autre, les perspectives paraissent plutôt dégagées pour les géants de l’industrie pharmaceutiques. 

Coface, acteur de référence de la gestion du risque de crédit commercial au niveau mondial et partenaire de notre version pro (BLOCSPRO#1), classe ainsi le secteur de « risque faible » à « risque moyen » sur l’ensemble de la planète, notant son rebond en 2024, avec des ventes de médicaments sur ordonnance ayant augmenté de 7,7 %.

Selon cette évaluation, le secteur s’appuie sur des fondamentaux solides et permet une forte rentabilité, tout en étant « confronté à une importante incertitude en matière de brevets ». « Plus de 350 milliards de dollars de ventes de médicaments de marque sont à risque entre 2025 et 2030 », note Coface.



Cette édition a été préparée par Mathieu Solal, Alexandre Gilles-Chomel et Sophie Hus-Solal.

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Par Mathieu Solal

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