Focus sur cet accord controversé, mais aussi sur le curieux essor des échanges Chine-Mexique, la lutte de l'UE contre le travail forcé et le boom des ventes d'armes tricolores
BLOCS#16 □ Bonjour, nous sommes le mercredi 20 mars et voici le seizième épisode de votre condensé d’actualité utile sur le commerce international. Suivez-nous également sur LinkedIn.
Ce jeudi 21 mars, la chambre haute du Parlement français se prononcera enfin sur le fameux accord de libre-échange entre l’UE et le Canada. Un rejet du Sénat ne suffirait pas à suspendre son application provisoire, en vigueur depuis 2017, mais il constituerait un pas menaçant dans cette direction. La résurgence de cette controverse peut étonner tant, six ans et demi après, le bilan du CETA a balayé les sombres prophéties dont il faisait initialement l’objet.
Manifestation contre le CETA devant le siège du Parlement européen de Strasbourg, le 15 février 2016 ©StopTTIP/Flickr.
SCÉNARIO CHOC □ Concurrence déloyale au détriment de l’agriculture et de l’industrie, suppressions d’emplois massives, désastre écologique … Lors des débats houleux qui avaient ponctué son entrée en vigueur en septembre 2017, puis sa validation par l’Assemblée nationale en 2019, le CETA avait été accusé de tous les maux. Ce jeudi 21 mars, ce sera, enfin, au tour du Sénat de se prononcer sur cet accord de libre-échange (ALE) qui a supprimé les droits de douane sur 98 % des produits échangés entre l’Union européenne (UE) et le Canada.
Un rejet au Palais du Luxembourg semble possible : outre les communistes, qui, à force de persévérance, ont finalement obtenu contre la volonté du gouvernement l’inscription du sujet à l’ordre du jour, et les autres forces de gauche, une bonne partie des 133 sénateurs Les Républicains (LR) devrait voter contre.
Avec quelles conséquences ? Concrètement, l'opposition de la chambre haute ne suffirait pas à suspendre la mise en application de l’accord, toujours « provisoire » à ce stade. Mais le deal pourrait ensuite retourner à l’Assemblée nationale, où sa remise en cause ne serait alors pas à exclure. Ce risque apparaît d’autant plus élevé dans le contexte d’une colère paysanne qui cible en particulier les accords commerciaux (BLOCS#9) et d’une campagne européenne propice aux instrumentalisations.
« Théoriquement, un rejet par le Parlement français de la ratification du texte pourrait bien avoir pour conséquence la fin de la mise en application provisoire du CETA. Cependant, le gouvernement français pourrait s'abstenir de notifier [ce rejet] aux instances de l'Union », explique Alan Hervé, juriste expert de la politique commerciale de l’UE à Sciences Po Rennes (BLOCS#6).
Si le scénario choc est donc loin d’être écrit, l’existence de cette menace a déjà de quoi étonner. Car, six ans et demi après, la réalité du CETA a balayé une bonne partie des craintes auxquelles il était initialement associé. « Le CETA est un bouc émissaire mal choisi », estime ainsi le quotidien libéral L’Opinion. Le bilan est globalement positif pour l’économie de l’UE, dont les échanges auraient augmenté de plus de 50% avec le Canada entre 2017 et 2022 (un chiffre contesté), avec une balance nettement favorable à ce côté-ci de l’Atlantique.
GRANDS GAGNANTS □ L’Hexagone n’est pas en reste : c’est en France - et en Italie - que les entreprises ont été les plus nombreuses à se tourner vers l’export grâce au CETA. Et pourtant, en 2019, seuls 20 % des Français voyaient dans ce dernier une opportunité pour les entreprises tricolores.
Argument corollaire à mettre au crédit de l’accord controversé : cette croissance des échanges profite en premier lieu aux PME, ce qui n’est pas toujours le cas. Sans surprise, les secteurs français de la pharmacie, des cosmétiques et des services, ont, comme souvent, tiré leur épingle du jeu. Ils ne sont pas les seuls.
L’agriculture française n’a pas été sacrifiée, au contraire : l’excédent commercial agroalimentaire a été multiplié par trois en cinq ans, pour atteindre 578 millions d’euros en 2023. Les filières des vins, des spiritueux et des produits laitiers figurent sur la liste des grands gagnants. Certains secteurs, comme ceux du bœuf, du porc ou du maïs sont plus exposés, mais ils ont été en partie protégés par des quotas.
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