Focus sur les plateformes de e-commerce chinoises... □ Le détail de l'accord UE-Mercosur □ Les États-Unis, El Dorado des investisseurs européens □ Le Royaume-Uni rejoint le TTP
BLOCS#43 □ Bonjour, nous sommes le mercredi 18 décembre et voici le quarante-troisième épisode de votre condensé d’actualité utile sur le commerce international. Suivez-nous sur LinkedIn.
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DEUTSCHE QUALITÄT □ BLOCS vous recommande chaudement la newsletter de Pascal Thibaut sur l’Allemagne. Notre collègue est installé depuis la réunification à Berlin où il travaille comme correspondant de Radio France Internationale. Sa lettre d’information vous permettra d’être au courant de l’actualité diverse du principal partenaire de la France.
L’essor des géants chinois du e-commerce, tels que Shein, Temu et AliExpress suscite une inquiétude croissante en Europe. Ces plateformes, qui inondent le marché de produits à prix cassés, ignorent souvent les normes européennes, créant des dangers pour les consommateurs et une concurrence déloyale pour les acteurs européens. Cependant, les mesures envisagées par l’exécutif européen pour y remédier soulèvent des résistances et révèlent les failles d’un système douanier déjà sous pression.
Colis Temu empilés © Julien Leiv - stock.adobe.com
INQUIÉTUDE EUROPÉENNE □ Shein, Temu, AliExpress … L’inquiétude n’en finit pas de monter en Europe face au succès foudroyant du e-commerce chinois. Sur le Vieux continent, ces plateformes en plein essor vendent par millions des produits de grande consommation de toutes sortse (vêtements, cosmétiques, ustensiles de cuisine, appareils high-tech, jouets, etc) à des prix défiant toute concurrence.
Et, le plus souvent, sans respecter les normes européennes en matière de sécurité et de qualité. Ce serait le cas de 70% des marchandises importées de l’étranger via des plateformes de commerce en ligne, selon les estimations de la Commission européenne.
Un phénomène qui, à l’approche de Noël, est d’autant moins rassurant. En 2023, le nombre de produits dangereux signalés par les douanes a doublé, les premiers concernés étant les jouets, les produits cosmétiques, les appareils électriques et les vêtements.
Entre la propension des géants chinois à faire fi des normes, leurs « pratiques marketing agressives », ou les généreuses aides d’État dont ils bénéficient, Shein, Temu et consort incarnent une « concurrence déloyale » pour les entreprises européennes du commerce en ligne, ne cesse d’alerter EuroCommerce, l’association représentant les intérêts du commerce de détail et de gros en Europe.
Ainsi, les 500 plus grands acteurs du commerce européens (tels qu’Ikea, H&M, Zalando, Décathlon …) ont vu leurs ventes transfrontalières chuter de 18 % rien qu’en 2023, sans parler des conséquences sur les commerçants locaux.
EXEMPTION DANS LE VISEUR □ Des Etats-Unis, qui croulent sous le même raz-de-marée, à l’Asie du Sud-Est (BLOCS#38), une série de pays ont commencé à sévir à l’encontre du e-commerce chinois.
Mais que fait l’Europe ? Fin septembre, dix Etats membres de l’Union, dont la France et l'Allemagne, avaient appelé dans une lettre la Commission européenne à adopter une ligne dure face aux « risques de préjudices pour les consommateurs et de concurrence déloyale ».
La réponse la plus évidente est en fait déjà dans les tuyaux : il s’agirait de supprimer l’exemption de frais de douane pour les colis de moins de 150 euros, qui implique aussi que la plupart de ces produits sont exonérés de contrôle aux frontières. Une telle mesure, vers laquelle s’oriente aussi Washington, a été mise sur la table par l’exécutif de l’UE dès mai 2023 au sein de sa grande proposition de réforme des douanes européennes (BLOCS#42).
Ce changement paraît d’autant plus nécessaire qu’« environ 65 % des colis entrant dans l'UE seraient délibérément sous-évalués dans leur déclaration de douane afin de bénéficier de cette exonération », expliquait alors la Commission. Et ce, « au détriment des entreprises de l'UE, en particulier des PME, qui ont du mal à tenir la concurrence face à des prix de vente ainsi réduits ».
TÂCHE HERCULÉENNE □ Salutaire sur le papier, cette mesure pose en pratique une série de problèmes. Proposée au nom de la juste concurrence, elle suscite des résistances parmi ces mêmes acteurs qu’elle est censée protéger. Car les nouveaux droits de douanes viseraient aussi les revendeurs européens important leurs produits de l’étranger.
En outre, supprimer cette exemption aurait toutes les chances de surcharger des services de douanes déjà débordés. L’aéroport Schiphol d’Amsterdam et le port de Rotterdam traitent ensemble 3,5 millions de colis par jour, soit 40 par seconde. Or, l’année dernière, ce sont 2,3 milliards d'articles en dessous du seuil de franchise de 150 euros qui ont été importés dans l'UE, selon la Commission.
Dans son projet législatif, la Commission avait proposé une « méthode simplifiée » pour calculer les droits de douane en fonction des types de produits (jouets, vêtements, accessoires, etc.). Il n’empêche qu’effectuer autant de contrôles s’apparenterait à une tâche herculéenne. Et le projet de centralisation des données douanières pour cibler les produits suspects, qui pourrait être soutenu par l’IA, ne semble pas près de voir le jour.
L’UE est-elle dès lors en train de faire machine arrière ? « Nos propositions sont en cours de négociation au Conseil de l’UE [l’institution réunissant les Etats membres] », esquive-t-on au sein de la Commission.
ALTERNATIVES À L’ÉTUDE □ Signe que l’idée n’est pas si consensuelle parmi les Vingt-Sept, l’exécutif de l’UE a commencé à plancher sur des alternatives. Deux mesures seraient ainsi à l’étude, selon le Financial Times : l’introduction de frais administratifs additionnels sur la manutention des marchandises en question, et une nouvelle taxe sur les revenus des entreprises du e-commerce.
Ces deux pistes présentent toutefois aussi leur lot d’obstacles : les frais administratifs pourraient être jugés contraires aux règles de l’OMC, comme le soulève EuroCommerce, tandis que la taxe sur les revenus nécessiterait un accord unanime des États membres de l’UE, ce qui semble difficile à obtenir.
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