Focus sur la stratégie européenne en gestation, en vue du choc protectionniste promis par le président américain pour ce mercredi 2 avril.
ÀBLOCS#3 □ Bonjour, nous sommes le lundi 31 mars et voici un numéro spécial, à deux jours du choc protectionniste inédit promis par Donald Trump. Vous pouvez nous suivre sur LinkedIn et nous soutenir sur la plateforme de financement participatif Tipeee.
Comment l’Europe doit-elle répondre au feu d’artifice de droits de douanes que s’apprête à lancer Donald Trump ce mercredi 2 avril ? Quel deal pourrait-on sceller avec le président des États-Unis ? Dans ce numéro spécial, BLOCS donne la parole à Fredrik Erixon, directeur et fondateur du European Centre for International Political Economy (ECIPE), un influent think tank bruxellois spécialiste du commerce international. Aux yeux de cet économiste suédois, l’UE doit trouver un « juste milieu » en répliquant fermement, sans pour autant affaiblir sa propre économie, ni obstruer de futures négociations. La clé, selon Fredrik Erixon, pourrait se trouver dans l’achat d’équipements militaires américains.
Fredrik Erixon, économiste suédois expert d'économie internationale, écrivain et directeur de l'ECIPE
BLOCS: Comment l’Europe devra-t-elle répliquer à l’offensive douanière de Donald Trump ? Contre-attaquer avec force pour mieux négocier ensuite, ou bien limiter les mesures de rétorsion afin d’éviter d’aggraver les choses …
FREDRIK ERIXON: Je pense que les Européens seront sur une ligne assez ferme : si les États-Unis nous frappent de droits de douane massifs comme annoncé, l’UE répliquera. Tout la question est : que se passe-t-il une fois que l’on a répliqué ? En partant du principe que Washington applique à l’UE, par exemple, un tarif généralisé de 25%, cela aura bien entendu impact sur notre économie, mais ce sera un impact limité, en tout cas dans l’immédiat. D’autant que l’un des scénarios vraisemblables est que l’euro soit alors déprécié, ce qui limitera la casse pour les exportations européennes.
En fait, les fortes conséquences économiques de ce côté de l’Atlantique viendront si l’UE prend des contre-mesures. Les coûts des droits de douane pèsent en effet en premier lieu sur le pays qui les introduit (BLOCS#54). D’où mon interrogation : dans quelle mesure l’UE est-elle prête à abimer sa propre économie pour répondre aux États-Unis ?
Que préconisez-vous donc ?
Je pense qu’il faut miser sur une sorte d’approche intermédiaire, un juste milieu : nous n’avons aucun intérêt à appliquer une barrière généralisée sur les produits américains. L’idée est d’avoir une méthode plus chirurgicale, en ciblant certaines catégories de produits - comme la Commission l’a déjà prévu - et pourquoi pas de services. On ne peut, certes, pas infliger de droits de douanes sur les services, mais on peut prendre des mesures pour inciter les entreprises américaines à investir en Europe au lieu d’y exporter leurs services.
Donc, il s’agit de signaler politiquement que l’on répond, tout en ouvrant la voie à des négociations (BLOCS#48). Outre les tarifs, les taxes européennes sur les services numériques, et les régulations de l’UE sur ces GAFAM, comme le Digital Markets Act, avec des amendes attendues pour Meta et Apple, pourraient aussi faire partie de l’équation.
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