BLOCS

Chaque semaine, votre condensé d’actualité utile sur le commerce international.

image_author_Mathieu Solal, Antonia Przybyslawski et Clément Solal_null
Par Mathieu Solal, Antonia Przybyslawski et Clément Solal
23 avr. · 6 mn à lire
Partager cet article :

Allemagne-Chine, une relation toujours plus complexe

Focus sur la relation Allemagne-Chine, mais aussi sur la santé du commerce mondial, la conversion de l'Australie à la politique industrielle, et la méga-enveloppe américaine pour attirer TSMC

BLOCS#20 Bonjour, nous sommes le mercredi 17 avril et voici le vingtième épisode de votre condensé d’actualité utile sur le commerce international. Suivez-nous également sur LinkedIn.

LE VENT DE LA CAMPAGNE BLOCS s’associe à 100% Europe, une émission politique interactive conçue par Canalchat Grandialogue et animée par notre cofondateur Mathieu Solal, avec l’objectif de remettre l’UE au coeur des élections européennes de juin prochain.

Revivez en intégralité les trois premiers numéros avec Marie-Pierre Vedrenne (MoDem), Aurore Lalucq (Place Publique) et Abdoulaye Diarra (Les Écologistes), et suivez l’actualité de l’émission sur LinkedIn et Twitter.


Super-bloc

Le chancelier allemand Olaf Scholz est revenu hier d’une visite de trois jours en Chine. Un moment diplomatique qui a illustré à merveille la difficulté de la coalition gouvernementale allemande à se positionner clairement face à Pékin dans la sphère commerciale. Pour y voir plus clair, BLOCS vous propose cette semaine un entretien avec la chercheuse allemande Gesine Weber du think tank German Marshall Fund of the United States (GMF), spécialisée dans l’étude du rôle géopolitique de l'Union européenne.

Le chancelier allemand Olaf Scholz et le président chinois Xi Jinping à Pékin, le 4 novembre 2022. © Ambassade de Chine en FranceLe chancelier allemand Olaf Scholz et le président chinois Xi Jinping à Pékin, le 4 novembre 2022. © Ambassade de Chine en France

BLOCS : Le chancelier allemand Olaf Scholz vient d’accomplir un long voyage en Chine accompagné de plusieurs ministres et de grands patrons industriels allemands, comme du temps d’Angela Merkel. Pensez-vous qu’il a déjà oublié les promesses de « de-risking » comprises dans la stratégie du gouvernement face à la Chine présentée il y a 9 mois ?

GESINE WEBER : En tout cas, le « de-risking », même pas mentionné par M. Scholz dans sa conférence de presse à Shanghai, n’était pas au cœur de la visite, alors que les Verts voudraient aller plus vite dans la mise en place de cette approche. Il y a donc là un désaccord au sein de la coalition gouvernementale.

Il faut noter que la Chine reste le premier partenaire économique de l’Allemagne. En 2022, le volume du commerce bilatéral s’élevait à près de 300 milliards d’euros, avec 107 milliards de valeur d’exportations allemandes contre, 192 d’exportations chinoises. La relation entre Berlin et Pékin demeure donc très importante, d’autant plus dans une période de repli économique comme celle que traverse l’Allemagne.

En résumé, il y a à la fois une conscience qu’une approche « de-risking » s’impose face aux manœuvres chinoises (BLOCS#18), notamment en ce qui concerne les technologies critiques et les matières premières, mais aussi une conscience qu’il y a peu d’alternatives à court-terme. Ces deux opinions sont souvent juxtaposées dans le débat allemand.

« La mise en œuvre du de-risking demeure essentiellement entre les mains des chefs d’entreprise, le gouvernement manquant d’une vraie stratégie en la matière »

Quels sont les premiers effets concrets de la mise en place de cette stratégie de « de-risking » ?

On discerne quelques avancées vers des alternatives dans les chaînes d’approvisionnement des entreprises allemandes, notamment en Inde, au Vietnam ou en Indonésie.

La mise en œuvre demeure toutefois essentiellement entre les mains des chefs d’entreprise, le gouvernement manquant d’une vraie stratégie en la matière.

Et quand on voit que Volkswagen vient d’annoncer un investissement de 2,5 milliards d’euros en Chine, on peut se demander si se fier aux entreprises est suffisant.

Les surcapacités chinoises, qui devraient encore augmenter avec les nouvelles subventions massives dans les technologies de pointe prévues par Xi Jinping, n’ont-elles pas de quoi faire peur à l’industrie allemande ? 

Si, ces surcapacités posent problème, en Allemagne et au-delà. On voit que c’est un grand sujet de débat au niveau européen, avec les enquêtes anti-subventions étrangères déloyales lancées par la Commission européenne dans les domaines des voitures électriques, du photovoltaïque et des éoliennes (BLOCS#19).

L’Allemagne soutient ces initiatives bruxelloises, mais M. Scholz ne les met pas trop en avant devant les responsables chinois. C’est quelque part plus confortable de laisser à la Commission endosser la responsabilité de ces enquêtes, pour pouvoir mener un dialogue plus positif avec Pékin.

« Il est fort probable que M. Trump, s’il est réélu, demande aux Européens de s’aligner sur sa stratégie anti-Chine, en l’échange du maintien de l’engagement américain pour la sécurité sur le continent européen »

La volonté de M. Scholz de se rapprocher de la Chine maintenant est-elle liée à la forte probabilité d’un second mandat de Donald Trump, qui priverait une nouvelle fois l’Allemagne de son allié historique ?

Je ne crois pas. Évidemment, il est important de maintenir des liens et des canaux de dialogue avec la Chine, dans la mesure où un nouveau mandat Trump risque d’accroître encore les tensions entre Washington et Pékin. Mais je ne ne parlerais pas d’un rapprochement ; plutôt d’un maintien du statu quo.

Pour autant, il est aussi fort probable que M. Trump, s’il est réélu, demande aux Européens de s’aligner sur sa stratégie anti-Chine, en l’échange du maintien de l’engagement américain pour la sécurité sur le continent européen. Même l’administration Biden met de la pression sur les Européens pour qu’ils adoptent une approche plus ferme. Dans la logique transatlantique, qui domine la politique allemande, il y a très peu d’intérêt à un rapprochement avec la Chine.  

Il faut au contraire voir dans cette visite une manière de discerner dans quels domaines Allemagne et Chine peuvent encore collaborer. Au départ, le programme était d’ailleurs centré sur le développement durable, mais il a pris une dimension plus géopolitique, du fait des frappes iraniennes sur Israël.

Pensez-vous que la complexité de la coalition au pouvoir en Allemagne entre sociaux-démocrates, Verts et libéraux, nuise à l’efficacité de Berlin sur la scène internationale ?

Je pense en effet que les partenaires de coalition ont des difficultés à se mettre d’accord sur des enjeux cruciaux de politique étrangère, que ce soit la Chine ou la livraison des missiles Taurus à l’Ukraine, avec à chaque fois une position plus ferme des Verts.

Ces désaccords affaiblissent l’Allemagne en tant qu’acteur sur la scène internationale, entre positions de compromis parfois peu évidentes à saisir, et messages diplomatiques contradictoires.

On peut, par exemple, noter qu’alors que M. Scholz se rend déjà en Chine pour la deuxième fois, la ministre fédérale des Affaires étrangères, Annalena Baerbock, issue des Verts, n’y est pas la bienvenue. Il faut dire qu’elle a qualifié l’année dernière Xi Jinping de « dictateur »

Ces différences de vue sur la Chine en disent long sur les difficultés de la coalition au pouvoir, mais aussi sur la complexité de la relation germano-chinoise.


Partenariat commercial avec Peugeot

Le nouveau E-3008 : un SUV électrique assemblé en France


Avec son nouveau E-3008, Peugeot affiche son ambition sur le marché européen des voitures électriques — prendre le leadership, mais pas à n’importe quel prix. Ce SUV portera donc les couleurs de la France avec une marque, un design et un assemblage français :


◦ Le Peugeot E-3008 sera produit exclusivement dans l’usine historique de Sochaux en France.
◦ Ses batteries 100% françaises sortiront de la gigafactory ACC située dans le Pas-de-Calais.
◦ Son moteur électrique sera fabriqué et produit par la joint-venture STELLANTIS-NIDEC à Trémery (France), et le réducteur sera fabriqué et produit par Stellantis à Valenciennes (France).
◦ Même son système Audio sera made in France puisqu’il sera équipé du Focal® Premium Hi-Fi System.
DÉCOUVRIR LE E-3008


Blocs-notes

DÉCROISSANCE □ Le commerce mondial n’avait pas été dans le rouge depuis 2020, année du déclenchement de la pandémie de Covid. Il a replongé en 2023. Les échanges mondiaux ont décru de 1,2 %, mesurés en volume, et de 5% en valeur, selon les nouveaux chiffres de l’OMC.

L'Europe, secouée par la guerre en Ukraine, est largement à l'origine de ce recul, note Les Echos. La hausse des prix provoquée par le conflit a freiné la consommation de biens manufacturés, avec une incidence plus forte sur le portefeuille des ménages européen qu’ailleurs, notamment en raison du choc énergétique.

Les vingt-sept pays de l’UE qui, ensemble, totalisent 37 % du commerce mondial ont vu la valeur de leurs importations s'effondrer de 14 % l’année passée. Les tensions commerciales entre la Chine et les Etats-Unis constituent une autre de ces causes.

À l’avenir, l'OMC mise néanmoins sur une reprise. L’institution de Genève prévoit une croissance des échanges mondiaux en volume de 2,6 % cette année et de 3,3 % en 2025.

Principale motif de cet optimisme : le reflux déjà en cours de l'inflation, qui devrait permettre aux revenus réels des ménages de croître à nouveau dans les économies développées et à la consommation de produits manufacturés d’y repartir de l’avant.

« La reprise de la demande de biens échangeables en 2024 est déjà évidente, avec des indices de nouvelles commandes à l’exportation indiquant l’amélioration des conditions du commerce au début de l’année », observe l’organisation, citée par le Moci.

Une série de facteurs d’incertitudes pourraient cependant gâter ces prévisions, à commencer par l’évolution du conflit au Moyen-Orient.


AGGIORNAMENTO À CANBERRA □ « Nous devons être prêts à rompre avec les vieilles orthodoxies et à actionner de nouveaux leviers pour faire avancer l'intérêt national » a lancé, jeudi dernier, le Premier ministre australien Anthony Albanese.

Face à un monde de plus en plus protectionniste, le dirigeant du parti travailliste a annoncé une rupture avec les politiques de libre marché menées par Canberra depuis des décennies en matière de commerce et d'investissement.

Il a ainsi dévoilé les contours d’un « Future Made in Australia Act », un plan ambitieux visant à promouvoir une politique industrielle résolument interventionniste et orientée vers la durabilité environnementale.

Ce plan comprendra notamment un soutien direct du gouvernement pour accélérer la transition énergétique, pour offrir des perspectives stables aux entreprises et pour contrer la fuite des capitaux et des idées vers des pays tiers.

Bien qu'aucune mesure concrète et chiffrée n'ait été annoncée à ce stade, Reuters indique que près de 18 milliards de dollars australiens (11,3 milliards d’euros) pourraient être alloués aux incitations pour l'hydrogène renouvelable, l'énergie solaire et l’industrie verte dans le prochain budget annuel, au mois de mai.

« Il ne s'agit pas d'un protectionnisme ou d'un isolationnisme à l'ancienne, mais de la nouvelle concurrence... Nous devons reconnaître que les partenaires que nous recherchons évoluent au rythme d'une nouvelle réalité économique » a expliqué Anthony Albanese.

Le chef du gouvernement a cité en exemple l'Inflation Reduction Act (IRA) adopté aux Etats-Unis, la stratégie européenne en matière de sécurité économique (BLOCS#8), et des initiatives similaires adoptées au Canada, au Japon et en Corée du Sud.


Mini-blocs

Le département américain du Commerce a annoncé, lundi 8 avril, l’octroi d’une subvention de 6,6 milliards de dollars à la filiale américaine de Taiwan Semiconductor Manufacturing Company (TSMC), leader mondial dans la fabrication de puces de haute technologie. Ces fonds, issus de la loi bipartisane CHIPS and Science Act, seront investis dans la construction du tout premier grand centre de TSMC à Phoenix, en Arizona. Cette initiative s'inscrit dans un plan plus large de l'administration Biden visant à renforcer la production locale des semi-conducteurs les plus avancés aux États-Unis, où sont actuellement fabriquées 10 % des puces mondiales. Un investissement considéré comme « essentiel » par les autorités fédérales pour assurer un approvisionnement national fiable en semi-conducteurs, des composants présents dans une multitude d'appareils, des téléphones aux superordinateurs en passant par les voitures et les avions de chasse.

Avec 600 millions d’euros versés à la Russie depuis le début de l’année, la France est le premier importateur européen de GNL russe, d'après les données du Center for Research on Energy and Clean Air (CREA), qui ajoute que les pays de l'UE ont payé à Moscou plus de 8 milliards d'euros pour ses exportations en 2023. Dans le contexte de la guerre en Ukraine, Bercy argue de la nécessité de maintenir l'approvisionnement des ménages et de la difficulté d'échapper à l’accord de long terme avec la Russie. TotalEnergies est ainsi engagé, jusqu’en 2032, dans un contrat lié au projet Yamal, que l’entreprise entend poursuivre « aussi longtemps que les sanctions européennes le permettront ». Par ailleurs, l'énergéticien détient 20 % des parts de ce projet, 19,4 % de Novatek, le numéro deux du gaz russe, et plus de 10 % de l'usine de liquéfaction du GNL Arctic LNG 2, relève Les Echos.

 Le recours à la politique industrielle, en plein essor à travers le monde, « n’est pas un remède miracle contre la faible croissance », soutiennent quatre experts du FMI dans une récente publication de blog disponible en français. « La plupart des politiques industrielles recourent largement à des subventions (...), des mesures dispendieuses qui peuvent nuire à la productivité et au bien-être si elles ne sont pas bien orientées. En outre, la discrimination à l’encontre des entreprises étrangères peut s’avérer autodestructrice, car elle peut déclencher des mesures de rétorsion coûteuses. Qui plus est, la plupart des pays, même les principaux pays avancés, s’appuient sur l’innovation développée dans d’autres pays », est-il notamment expliqué. Plusieurs « conditions strictes » à remplir sont listées pour que « le soutien budgétaire à l’innovation dans des secteurs spécifiques » puisse effectivement « générer des gains de productivité et de bien‑être ».

Dans un passionnant rapport, le Partenariat international d'action sur le carbone fait un point sur le développement des marchés carbone dans le monde. Trente-six de ces bourses du C02 sont aujourd’hui à l’oeuvre. Celles-ci couvrent 18% des émissions mondiales, et ont généré 74 milliards de dollars de recettes en 2023, soit 303 milliards depuis 2007. Quatorze systèmes supplémentaires sont en train d’être développés, et 8 sont actuellement « en cours de considération ». Riche en chiffres et en infographie, ce document de 250 pages revient en détail sur les tendances par secteur, par pays, et par type de marché. 


BLOCS fait partie de Footnotes, le média qui rassemble les newsletters d’un monde complexe. Une douzaine d’experts vous éclairent chaque semaine sur leurs thématiques de prédilection.

Découvrez tous nos contenus ici et suivez-nous sur LinkedIn.

Vous pouvez vous abonner directement à nos newsletters :  What’s up EULettre d’AllemagneCafétechLudonomics, et Hexagone.


Cette édition a été préparée par Antonia Przybyslawski, Clément Solal, Mathieu Solal et Sophie Hus.

Une remarque ? Une critique ? Ou qui sait, un compliment ? N’hésitez-pas à nous écrire.